La ville qui n'aimait pas son roi
bruit qu’un craquement. De l’autre côté, il y avait une
cour où quelques moines lisaient ou parlaient assis sur des bancs. Jouant d’audace, ils entrèrent. Olivier savait où se trouvait
la cellule du prieur, car, collégien, il avait été pris une fois dans le couvent et y avait reçu le fouet.
Ils traversèrent la cour où personne ne les interpella, les moines ayant l’habitude de voir passer des gentilshommes avec
leurs valets. Puis ils entrèrent dans le réfectoire, qui était vide, et enfin dans la basse cour qui longeait l’enceinte de
la ville. C’était là que se situaient le corps de logis principal et les cellules des moines. Olivier leur désigna la porte
du prieur.
Bourgoing venait de rentrer du réfectoire et priait quand ils pénétrèrent dans sa chambre. Devant cette soudaine intrusion,
il resta un instant médusé, puis voulu appeler, mais il était déjà maîtrisé.
Ils le garrottèrent, sauf un bras, et le bâillonnèrent avant de l’interroger.
— Il y a un prêtre nommé Clément dans ce couvent, fit Poulain. Prenez la plume sur cette table et écrivez-nous où il est.
Fou de terreur, le prieur secoua pourtant négativement la tête.
— Vous allez le faire, gronda Cubsac en lui mettant sa miséricorde sous le menton, sinon je vous coupe le nez,puis ce sera les oreilles et ensuite la langue, après ce sera les doigts de pied. Et tout ça ne vous empêchera pas d’écrire.
Le prieur se savait bel homme. Que deviendrait-il sans nez? Un objet d’horreur pour ses paroissiennes!
Après tout Clément était parti depuis longtemps. Peut-être était-il déjà à Saint-Cloud. Peut-être même que le roi était déjà mort! En même temps, il se demandait qui étaient ces trois-là, comment ils avaient su pour Clément, et comment ils étaient entrés. Qui les avait trahis?
Cubsac appuya la miséricorde sur le nez du prêtre. Le sang coula et le prieur leva sa main pour montrer qu’il cédait.
Ils le bousculèrent jusqu’à sa table. Olivier retailla la plume, la trempa dans l’encre et la lui mit dans la main libre.
Bourgoing écrivit.
Clément loge dans la dernière cellule. Il n’est pas là, il est parti à Saint-Cloud cet après-midi.
Ils lisaient dans son dos. Trop tard! Clément était parti… sauf si le prieur mentait.
— Cubsac, garde-le, dit Olivier, je vais vérifier avec Nicolas.
Ils sortirent. La cour était toujours déserte. La porte de la cellule de Clément était fermée. Ils la poussèrent. La salle
blanchie à la chaux était vide. Ils virent immédiatement la lettre sur la table. Olivier s’approcha :
Je laisse cette note de cinq écus pour qu’un ami la paye pour moi, car je vais dans un endroit d’où je ne pense pas revenir.
La porte grinça et un moine entra.
— Qui êtes-vous?
— Des amis du père Clément. Nous le cherchons.
— Il est parti, fit le moine en les dévisageant.
— Vous le connaissez? demanda Olivier.
— Oui, il a dû vous parler de moi. Nous partageons cette cellule… Je suis frère Michel 3 .
— En effet, sourit Olivier. Quand l’avez-vous vu, la dernière fois?
— Je n’ai pas dormi ici, mais hier nous sommes allés ensemble acheter un couteau.
— Un couteau? frémit Poulain.
— Oui, un grand couteau noir de un pied de long, dit frère Michel avec un air entendu tout en écartant les mains pour montrer sa taille. Il l’a payé deux sols six deniers.
— Que le Seigneur soit avec vous, fit Poulain, sèchement, en se dirigeant vers la porte.
Ils sortirent sans que l’autre ne les suive et revinrent à la cellule du prieur. Il y avait un minuscule placard dans lequel
ils le serrèrent, puis ils quittèrent le couvent au plus vite. Il n’y avait plus aucun doute. Clément était parti pour tuer
le roi. Ils devaient le rattraper.
Mais ils étaient à pied, la nuit était tombée et les portes de Paris allaient fermer. Ils revinrent en se pressant vers la
maison de Cubsac, regrettant de ne pas avoir pris leurs chevaux.
En chemin, Cubsac leur montra un second papier que Bourgoing avait écrit sous la menace. Il lui avait demandé qui avait envoyé
Clément à Saint-Cloud, et le prieur avait noté d’une écriture tremblante :
Madame la duchesse de Montpensier.
— Elle n’est que l’instrument, dit Nicolas Poulain, étreint par l’émotion. Si notre roi meurt, je sais bien qui seront les vrais assassins. Ce seront le pape, l’Espagne, les Lorrains, la
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