La ville qui n'aimait pas son roi
les haies et les bois. Ils gagnèrent ainsi les
faubourgs du Roule, passèrent devant la chapelle Saint-Jacques et Saint-Philippe, puis descendirent vers Chaillot et Passy.
Plusieurs fois, ils aperçurent des groupes de soldats à l’écharpe verte des Guise ou à la croix de Lorraine, mais ils parvinrent
à leur échapper. Ce n’est qu’en arrivant sur Boulogne qu’ils tombèrent sur une patrouille royale. Ils se laissèrent entourer,
expliquant qu’ils venaient de fuir Paris.
Nicolas Poulain ne connaissait pas l’officier et exigea qu’on les conduise auprès du Grand prévôt, sachant que s’il demandait
à aller chez le roi, on les emprisonnerait d’abord et ils perdraient de précieuses heures. Il ajouta qu’il y allait de la
vie de Sa Majesté.
Ils n’avaient aucun papier, aucune lettre, mais Richelieu était suffisamment craint pour que l’officier s’exécute. Le Grand
prévôt logeait dans une maison près du pont de Saint-Cloud.
Il était presque sept heures quand ils arrivèrent. Poulain fut reconnu par Pasquier, le valet de chambre, qui lui expliqua
que son maître dormait encore, s’étant couché à quatre heures après avoir joué toute la nuit à la prime avec M. d’Angoulême…
— Peu importe! Je dois le voir tout de suite!
Pris de peur, et sachant qui était Poulain, le valet de chambre obéit. Nicolas entra seul dans la chambre de Richelieu. Ses
compagnons étaient restés avec les soldats qui les avaient accompagnés.
— Monsieur, levez-vous, on veut tuer le roi! cria Poulain en secouant le Grand prévôt qui dormait en chemise et en chausses.
Immédiatement réveillé, Richelieu fut sur pied. Tout en s’expliquant, Nicolas lui lança son pourpoint noir, ses hauts-de-chausses
et ses bottes. Ils sortirent, Richelieun’avait même pas pris de chapeau et tenait son épée par son baudrier. Il sauta en selle sur un des chevaux des soldats et
ordonna aux autres de le suivre. Au galop jusqu’au château, ils passèrent la barrière des jardins en donnant ordre d’arrêter
tout moine ou prêtre qui se présenterait et, sans passer par la grande cour, ils s’arrêtèrent devant les marches de l’entrée
la plus proche de la chambre du roi. La dizaine de Suisses qui montait la garde s’écarta en voyant le Grand prévôt leur hurler
de les laisser passer. Richelieu était pâle comme ils ne l’avaient jamais connu.
Par une galerie, les quatre hommes se précipitèrent vers la chambre du roi.
M. de La Guesle dormit mal. Ses soupçons envers ce prêtre s’étaient ravivés et il avait même donné ordre qu’on le surveille
toute la nuit. Il se promit de rester chaque seconde près de lui quand ils seraient chez le roi. Depuis quelques semaines,
il savait par des amis que les prédicateurs appelaient ouvertement à tuer celui qu’ils nommaient le tyran.
À six heures, on dut réveiller le jacobin qui dormait encore, sans doute du sommeil du juste, ce qui rassura un peu le Procureur
général. Les deux hommes se dirigèrent ensuite à pied vers la grande maison des Gondi. Il était presque sept heures. Dans
le jardin, ils rencontrèrent Du Halde avec qui ils se promenèrent un moment. Ensuite, le premier valet de chambre les quitta
pour aller lever le roi. Ils se rendirent alors dans l’antichambre où le capitaine des gardes Larchant leur demanda d’attendre
encore un moment. Enfin, Du Halde les fit entrer. Le roi était seul dans sa chambre avec M. de Bellegarde. Il avait tellement
hâte de recevoir Clément qu’il n’était pas entièrement habillé. Ses chausses étaient mal attachées, son pourpoint de taffetas
gris était délacé et, surtout, il n’avait pas encore enfilé la peau de buffle qu’il portait habituellement sous sa cuirasse.
Clément entra avec humilité, les yeux baissés, les mains jointes. Il fit deux pas et s’agenouilla. Le roi lui ordonna de se
relever et le moine s’avança vers lui avec respect. M. de La Guesle, toujours méfiant, se plaça aussitôt devant lui et tendit
au roi la lettre de M. de Harlay. À côté d’Henri III se tenait Bellegarde et un peu plus loin, Du Halde, qui écoutait et observait.
Retenu par le procureur général, Clément déclara qu’il avait des choses importantes à communiquer verbalement à Sa Majesté,
mais qu’elle seule devait connaître.
— II n’y a ici que des serviteurs éprouvés! répliqua vivement M. de La Guesle.
— M. de Harlay
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