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La ville qui n'aimait pas son roi

La ville qui n'aimait pas son roi

Titel: La ville qui n'aimait pas son roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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répondre, craignant à chaque instant d’être arrêté et s’efforçant de retrouver son calme.
    — Vous avez eu tort de ne pas dire la vérité, monsieur, lui reprocha Lacroix de sa déplaisante voix de crécelle. M. de Villequier n’aime pas qu’on lui résiste, et sa vindicte envers vous va être terrible…
    Maîtrisant les tremblements nerveux qui l’agitaient encore, Poulain posa une main sur son épée pour se donner une contenance.
    — Je ne comprends pas l’attitude de M. de Villequier, dit-il simplement tandis qu’ils arrivaient dans la cour. Je sers Sa Majesté avec loyauté.
    Philippe Lacroix haussa les épaules et fit signe à un palefrenier pour qu’on amène le cheval du visiteur.
    — Réfléchissez, monsieur le lieutenant. Il vaut mieux pour vous ne pas avoir M. de Villequier comme ennemi, sinon il vous broiera comme une coque de noix.
    — Je m’en souviendrai, monsieur Lacroix, répliqua Poulain.

    Nicolas Poulain avait menti. Il avait rencontré le roi deux ans auparavant pour le prévenir d’une insurrection préparée par
     la sainte union. Henri III avait salué sa bravoure et lui avait demandé d’avertir le chancelier Cheverny ou M. de Richelieu
     s’il découvrait un nouveau complot, ou même s’il apprenait quelque chose de fâcheux contre lui.
    Car Nicolas Poulain n’était pas seulement lieutenant du prévôt d’Île-de-France. Réputé pour sa piété catholique, il avait
     été recruté trois ans plus tôt par un de ses anciens compagnons de collège, Jean de Bussy, sieur de Le Clerc, pour participer
     à une société secrète. Bussy était en effet un des dirigeants de la sainte union, cette confrérie bourgeoise alliée au duc
     de Guise pour former la sainte Ligue. Au sein de celle-ci, Poulain achetait des armes pour les bourgeois de Paris.
    Mais Poulain n’avait accepté de faire partie de cette union de félons que pour en dénoncer les ambitions auprès du Grand prévôt
     de France. C’était un rôle d’espion bien dangereux. Que les membres de la Ligue apprennent sa trahison et il finirait égorgé
     ou noyé dans la Seine, sa famille avec lui.
    C’est pourquoi le violent – et inexplicable – interrogatoire que lui avait fait subir Villequier l’inquiétait tant. Pourquoi le favori voulait-il savoir s’il avait vu le roi? Savait-il qui il était vraiment? Pourquoi l’avait-il menacé de le pendre? Pour tenter d’en apprendre plus, et surtout pour solliciter la protection royale, Nicolas Poulain décida de se rendre chez M. de Richelieu.

    Entre-temps, Lacroix était revenu chez son maître.
    Le capitaine des gardes était entré au service de Villequier quand celui-ci avait accompagné le duc d’Alençon (devenu Henri III)
     en Pologne. Il n’était à cette époque que valet de chambre, mais déjà apprécié par son maître pour sa fidélité sans faille,
     son obéissance sans réserve, son absence de sens moral et son étonnante ingéniosité. Devenu gouverneur de Paris, Villequier
     en avait fait son capitaine des gardes et le chef de ses basses œuvres. C’est Lacroix qui avait découvert que le confesseur
     de Françoise de La Mark était trop pressant, et si Villequier avait lui-même assassiné sa femme infidèle, il avait chargé
     son capitaine de retrouver et de châtier le jeune abbé.
    — Que pensez-vous de ce Poulain, Lacroix?
    — Il était terrorisé, monsieur. Ses mains tremblaient de peur. C’est un lâche!
    — Croyez-vous qu’il m’ait menti?
    — Non, monsieur. Mayneville se trompe s’il pense que cet homme a pu rencontrer le roi et être capable de conduire quelque action secrète contre Mgr de Guise. Il est ce qu’il dit : un petit lieutenant sans envergure qui trahit le roi comme tous ces bourgeois de la Ligue!
    — C’est ce que je pense aussi, approuva le gros Villequier. Voyez donc Mayneville et rapportez-lui cela.

    Arrivé à l’hôtel du Grand prévôt de France, rue du Bouloi, Nicolas Poulain fut introduit immédiatement dans le cabinet de
     M. de Richelieu qui travaillait avec son secrétaire. Celui-ci sortit en laissant les deux hommes seuls.
    — Monsieur Poulain, vous arrivez au bon moment! déclara le Grand prévôt d’un ton enjoué fort inhabituel.
    Richelieu cumulait les charges de prévôt de l’Hôtel et de Grand prévôt de France, comme son illustre prédécesseur Tristan
     l’Ermite, le terrifiant prévôt de Louis XI qui faisait pendre ceux qu’il suspectait de tiédeur

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