La ville qui n'aimait pas son roi
une hérétique, Cassandre de Mornay. Ce jour-là, elle avait deviné qu’il serait damné pour cela, et sans doute aussi pour avoir conclu un pacte diabolique. Car sinon, comment aurait-il pu la retrouver à Garde-Épée? Comment aurait-il pu pénétrer dans la maison fortifiée? De surcroît, elle était certaine que du jour où elle avait porté son regard sur lui, il lui avait jeté un sort provoquant l’échec dans tout ce qu’elle entreprenait. Elle serait toujours sous son charme tant qu’elle ne l’aurait pas capturé, tant qu’elle n’aurait pas brisé, détruit, mutilé ce corps qu’elle avait été contrainte à aimer.
Mais comment faire, comment le trouver?
C’est en se souvenant de Saint-Merry qu’elle avait songé aux domestiques de Hauteville qui l’accompagnaient toujours à la messe. Étaient-ils toujours à son service? Peut-être savaient-ils où était leur ancien maître… peut-être même venait-il à Paris quelquefois?
Masquée, comme le faisaient souvent les dames de qualité, elle était donc retournée à l’église accompagnée seulement d’une
dame d’honneur et d’un gentilhomme de sachambre. Elle y avait tout de suite remarqué Nicolas Poulain, l’ancien prévôt de l’Hôtel de Catherine de Médicis.
Même si ses amis de la Ligue lui avaient assuré que Nicolas Poulain, bon catholique craignant Dieu, était des leurs, elle
avait toujours éprouvé envers lui une confuse méfiance, car il avait été l’ami d’Olivier Hauteville. De surcroît elle avait
appris qu’il avait abandonné sa charge à la cour de la reine mère et aurait bien aimé en connaître les raisons.
La duchesse était une femme méfiante et perspicace. Écoutant ses doutes, elle avait interrogé le marquis de Mayneville, qui
s’occupait des affaires des Guise à Paris. Mayneville lui avait confirmé que Nicolas Poulain était loyal à la Ligue et avait
toute la confiance du conseil des Seize, mais il lui avait aussi raconté que ce lieutenant du prévôt avait été arrêté à la
suite d’un coup monté par le commissaire Louchart qui voulait le garder enfermé le temps que la sainte union se débarrasse
de Hauteville.
Que s’était-il passé ensuite? avait-elle demandé. Avait-il été jugé? Mayneville l’ignorait mais avait promis de se renseigner.
Quelques jours plus tard, ayant interrogé Louchart et Le Clerc, Mayneville avait rapporté à la sœur du duc de Guise que Poulain avait été libéré après avoir convaincu le lieutenant civil de son innocence. Ceux qui avaient participé au coup monté et l’avaient accusé de vol avaient été arrêtés et pendus. Pour quelle raison? Il n’en savait rien, un gentilhomme comme lui ne s’intéressant guère à ces affaires de croquants! On lui avait juste rapporté que les accusateurs étaient les gardes du corps d’un nommé Salvancy, le receveur général qui avait détourné les tailles au profit de la Ligue.
La duchesse se souvenait de cet homme, Maurevert lui en avait parlé. Si elle connaissait cette histoire par son frère, Charles
de Mayenne, elle en ignorait cette péripétie.
Désireuse d’en savoir plus, elle avait fait venir Salvancy qui se cachait dans le faubourg Saint-Germain. Celui-ci luiavait confirmé que ses gardes du corps avaient bien été utilisés par Louchart pour faire emprisonner le prévôt Poulain, mais
que celui-ci avait été innocenté. Un commissaire de police était venu chez lui arrêter ses deux serviteurs pour les conduire
au Grand-Châtelet où ils avaient été interrogés sur leur fausse accusation.
Salvancy ne savait rien de plus, car une heure plus tard, cinq hommes – dont Olivier Hauteville – étaient venus le rapiner,
ne lui laissant que le temps de fuir. Par la suite, ses gardes avaient été pendus pour avoir assassiné le père d’Olivier Hauteville.
Si la duchesse y voyait désormais plus clair dans cet embrouillamini, elle se demandait maintenant par quelle coïncidence
les deux gardes de Salvancy avaient été arrêtés pour leur fausse accusation envers Poulain juste avant que Hauteville ne force
la porte du receveur et ne lui vole les quittances.
Le seul moyen de connaître le rôle du lieutenant du prévôt dans cette confuse affaire était de l’interroger, mais à moins
de le torturer – ce qui était difficile – il ne parlerait pas. Sauf peut-être s’il prenait peur…
Une fois encore, le marquis de Mayneville avait été mis à
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