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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fait bailler par le roi cinquante mille écus
pour son mariage avec Liancourt.
    — Ha,
dis-je, ne nous plaignons pas ! Henri Troisième donna quatre cent mille
écus au duc de Joyeuse pour son mariage. La mignonne coûte moins cher que le
mignon.
    — Mais
elle coûte ! dit Rosny, soudain rembruni. Le cœur me saigne encore de ces
cinquante mille écus dont on eût pu avoir, certes, une meilleure usance, ne
serait-ce que pour nos armées.
    — Monsieur
de Rosny, dis-je, me permettez-vous de changer de sujet, appétant à en savoir
davantage, si vous le trouvez opportun, touchant – je vous cite –
« le grand, le magnifique projet » que caresse le roi, une fois qu’il
sera raffermi sur son trône et en possession de sa capitale.
    — Siorac,
dit Rosny d’un ton si paonnant qu’il me parut abrupt, j’ai juré au roi d’être
là-dessus bouche cousue. Cependant, ajouta-t-il, me voyant rougir à cette
quasi-rebuffade, Sa Majesté, comme moi-même, ayant toute fiance en vous, je ne
faillirai pas de quérir d’Elle si je peux là-dessus vous satisfaire, y ayant
quelque apparence qu’Elle emploiera à son grand dessein vos talents ès missions
secrètes.
    Je lui
demandai là-dessus mon congé, fort béant qu’il me voulût bien donner, au
départir, une forte brassée, lui qui était de sa complexion si peu embrasseur.
Ma petite offense pansée, curée et apazimée par cette marque d’affection, je
saillis hors, et vis venir à moi dans la rue mon Miroul, élégant et fluet,
lequel me saluant à peine, et l’œil marron autant glacé que l’œil bleu, me dit
d’un air excessivement mal’engroin :
    — Moussu,
si vous n’avez plus l’usance d’un secrétaire, je vais employer mon bien à
acheter la terre de La Surie, qui jouxte votre seigneurie du Chêne Rogneux et
m’attacher à la faire valoir, ce qui me confortera d’avoir vu mes services
déprisés par le plus ingrat des maîtres.
    — Ventre
Saint-Antoine, Miroul ! dis-je en le prenant par le bras, voilà une ire
qui s’est levée bien matin !
    — Moins
que vous, Moussu, qui avez quitté votre chambre aux aurores sans me daigner
désommeiller.
    — Tu
dormais comme souche.
    — Depuis
fort peu de temps pour la raison que notre hôtesse anglaise, quand elle dort à
vos côtés, a le sommeil bien vacarmeux !
    — Bref,
tu dormais. Allais-je te secouer ?
    — Vous
l’eussiez dû. Passe encore de me laisser au logis quand vous visitez le roi.
Mais M. de Rosny !
    — Comment
as-tu su que je l’allais voir ?
    — Par don
magique et divinatoire.
    — Et
comment as-tu su que la terre de La Surie était à vendre ?
    — Par ma
Florine qui m’en a écrit.
    — C’est
donc qu’elle y a un œil.
    — À tort,
Moussu. C’est trop gros morcel pour ma petite mâchoire.
    — Voyons
cela.
    — Ma
picorée de la Saint-Barthélemy, à quoi mon honnête juif de Bordeaux a donné du
ventre, ces quinze ans écoulés, se monte ce jour à quatre mille écus.
    — À quoi,
dis-je, s’ajoutèrent il y a deux ans, les sept cent cinquante écus du chevalier
d’Aumale. Avec les usances, se peut mille écus. Et les économies de Florine sur
ses gages. Et les tiennes sur les tiens.
    — Moussu,
ne calculez pas plus outre. Le tout ne va pas à la moitié de la somme que le
vidame exige pour La Surie.
    — Je te
pourrais prêter l’autre moitié.
    — Tant
vous avez appétit à vous défaire de moi ! dit Miroul en me lançant un
regard de si amer reproche que j’en fus confondu.
    — Nenni,
mon Miroul, dis-je, le nœud de ma gorge se nouant, et m’arrêtant, je lui pris
les deux mains et les serrai avec force. Je n’aurai jamais d’autre secrétaire
que toi, je t’en fais ce jour le serment ! Mais pour ta Florine et pour
toi-même, il te faut à la parfin t’établir, la paix revenue.
    — Comment
trouverai-je le temps d’être votre secrétaire, Moussu, dit-il très à
rebrousse-poil, si je dois m’ensevelir dans l’agriculture ?
    — Il
n’est pas nécessaire que tu t’ensevelisses. Tes terres et les miennes étant
mitoyennes, il ne me sera pas malcommode de te prêter mes gens et mon majordome
pour ménager le labourage et le pâturage de ta petite seigneurie.
    Ce mot de
« seigneurie » – encore que je jugeasse inopportun de lui parler
de ma requête au roi, le concernant – le toucha fort, à ce que je crus
voir, pour ce qu’il s’accoisa un moment et prit prou sur lui, quand il déclouit
le bec

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