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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sauf.
    — Bel exemple d’amour conjugal ! dit mon père.
    — Je ne sais, dit Bassompierre, avec un petit sourire.
La personne dont nous parlons, ajouta-t-il en baissant la voix, est la femme la
moins aimante et la moins caressante du monde, même avec ses enfants.
    — Je l’ai ouï dire, dit La Surie.
    — Eh bien, vous voyez. Dans une cour, tout se sait. Roi
et Reine n’ont pas de vie privée. Leurs fâcheries sont connues. Leurs saillies,
comptabilisées. Si Henri était homme à défaillir, on le saurait. Et comme il ne
l’est pas, on sait si la Reine a pris, ou non, du plaisir. De reste, à peine
est-elle enceinte qu’on connaît le nombre exact de repas qu’elle restitue
chaque jour à la nature. Quand elle accouche, c’est devant une centaine de
personnes et quand la mort survient, elle agonise, comme le Roi, devant tout ce
qui compte à la cour.
    — Je conclus de ces paroles, dit mon père, que vous
n’aimeriez pas être roi.
    — Qu’y gagnerais-je ? dit Bassompierre en
souriant.
    À ce moment, traversant toute la longueur du pont, une de
ses jolies nièces se détacha de ses compagnes et vint dire à Monsieur de
Bassompierre, avec une gracieuse révérence, qu’elle était députée à lui pour le
prier de les rejoindre à table sous le dais, pour ce qu’elles avaient à lui
poser une question de la plus grande conséquence.
    — De la plus grande conséquence ! dit Monsieur de
Bassompierre. Ventre de biche ! Que vais-je ouïr de ces douces
lèvres ?
    Et il revint vers le dais en donnant galamment le bras à la
messagère qui, rouge de cet honneur, ne le quittait pas des yeux. Je me
souvins, à ce propos, que Toinon m’avait dit que Bassompierre (qui avait alors
vingt-huit ans) était « si bien fait et si beau qu’il n’était pas possible
de plus ».
    Ce « de plus » dont, en bon élève de Monsieur
Philipponeau, je me demandai s’il était bien grammatical, me plut beaucoup sur
le moment et à ce jour encore me ravit, je ne saurais dire pourquoi. Quand
j’avais rapporté ce propos à mon père, après en avoir ri lui aussi, il avait
ajouté :
    — Bassompierre est, en effet, un très beau cavalier,
mais il est aussi l’homme le plus instruit de la cour, parlant grec et latin,
et pas moins de quatre langues étrangères, ayant des lumières sur tout et
l’esprit si vif, si prompt et si délié qu’il pourrait, avec un peu d’étude,
briller dans tous les domaines où l’on voudrait l’employer. Encore une fois,
mon fils, ne vous fiez pas aux apparences. Bassompierre s’habille comme un
muguet, gausse, badine, fait des mots, danse comme fol, court le cotillon, joue
des heures entières à la prime et au reversis mais, rentré chez lui aux
aurores, il allume sa lampe et se plonge dans l’étude. Sa bibliothèque est la plus
riche de France. Il possède plus de deux mille volumes et soyez assuré qu’il
les a lus tous et, se peut, annotés…
    L’objet de cet éloge s’assit sous le dais et, après avoir
fait signe à un valet de faire servir un verre de clairet à la ronde, considéra
d’un œil amusé les mignotes qui, à son approche, s’étaient tues en
s’entre-regardant.
    — Or çà, mes caillettes ! dit-il enfin,
qu’avez-vous à quérir de moi ? Êtes-vous tout soudain comme carpes
devenues ? Suis-je donc si redoutable ?
    — Oh que non. Monsieur ! dit Jeannette, mais nous
ne voudrions pas non plus vous poser une question qui pût vous offenser.
    — Ma vie est sans reproche, dit Bassompierre d’un ton
léger. Je ne redoute pas les questions indiscrètes : elles ne sauraient
l’être que si mes réponses l’étaient. Or je suis maître et seigneur de ma
langue, comme bien vous savez, mes caillettes.
    À cela dont les mignotes ne surent pas si elles devaient
sourire ou s’offusquer, leur silence s’alourdit encore et leurs yeux se
baissèrent.
    — Allons ! allons ! dit Bassompierre, dois-je
vous accoucher l’esprit ? À la première qui me posera la question
« de grande conséquence » qui est dans vos pensées, je donnerai cet
inaltérable petit rubis qui orne mon petit doigt. Comme dit le proverbe chinois :
« La boue cache le rubis, mais ne le tache pas. »
    — Alors je parlerai pour toutes, dit vivement la
coquette au massepain qui me parut de loin la plus friponne et la plus
effrontée. Monsieur, nous vous demandons ceci…
    Là-dessus, elle resta coite et Bassompierre, qui avait ôté
le petit rubis de son petit

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