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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Écrivez sur l’heure à la Reine pour lui jurer, sur l’honneur, que
la Marquise de Verneuil n’est point chez vous. Et qu’elle n’y viendra pas. Et
faites-lui porter ce mot par Bassompierre. Il est le seul qui, à cette heure au
Louvre, peut avoir accès à elle.
    — Mon ami, ne voulez-vous pas l’écrire ? dit
Madame de Guise plaintivement. Je tremble tant je suis bouleversée !
    — Non, non, il y faut votre main et votre style. Ils
sont inimitables.
    — Monsieur, en ces circonstances, avez-vous le cœur de
vous moquer de moi ?
    — Mais point du tout. Si la Reine ne reconnaissait pas
votre écriture, elle croirait à une ruse du Roi. Elle est fort défiante, comme
vous savez. Tout le monde, dit-elle, la trompe. Et tous les Français sont des
traîtres !

 
CHAPITRE V
    Quand, à la prière de Madame de Guise, Bassompierre vint
nous rejoindre dans sa chambre le soir de ce fameux bal et qu’il apprit de sa
bouche ce qu’elle attendait de lui, il devint tout soudain plus prudent qu’un
chat : l’œil aux aguets, la moustache en alerte et la patte
précautionneuse.
    Il mit les deux mains derrière le dos et, marchant de-ci
de-là dans la chambre, il ne dit mot ni miette, le front penché, l’œil fixé sur
les dessins du tapis turc qui étouffait ses pas, n’osant ni refuser ni accepter
une mission aussi délicate : le beau matou craignait d’être échaudé.
    Délicate, elle l’était assurément pour lui, gentilhomme de
bon lieu, mais Allemand et qui devait tout à la faveur du Roi et de la Reine
avec qui, ayant le bon goût de perdre, il jouait aux cartes et le jour et la
nuit – raison pour quoi il lui était si aisé d’avoir accès à leurs
appartements. Même Sully n’y était pas si facilement admis.
    Devant Joinville, à qui le jarret démangeait tant de danser,
Bassompierre avait énoncé sa règle d’or une heure plus tôt : il était
« le paroissier de qui était le curé ». Mais en la circonstance, il
n’était point si aisé de discerner lequel – du Roi ou de la Reine –
était vraiment le « curé ». À supposer que Marie de Médicis résistât
au message qu’il lui porterait, elle aggravait son cas, et si elle revenait un
jour en faveur, elle ne saurait aucun gré au messager de cette aggravation.
Mais d’un autre côté, si le Roi était déjà résolu en son for à la renvoyer en
Toscane, ou à tout le moins à l’exiler en l’un de ses châteaux, l’arrivée même
tardive de la Reine au bal, au cas où le billet de Madame de Guise la
persuaderait, contrarierait beaucoup les desseins royaux. Et pour finir,
comment opposer un refus à une aussi haute dame que la Duchesse de Guise,
cousine germaine du Roi, fort bien en cour, et dont la fille inspirait à
Bassompierre – je l’avais observé de mes yeux – des visées si tendres
et peut-être des espoirs si proches, le Prince de Conti n’étant visiblement pas
immortel ?
    En sa perplexité, Bassompierre prit un parti qui, sur le
moment, m’étonna mais que mon père, le lendemain, trouva le plus habile :
il fut franc. Il exposa à Madame de Guise les raisons de ses hésitations et
suggéra un aménagement de son projet. Elle chargerait son fils Joinville de
remettre le billet, Bassompierre ne lui étant adjoint que pour lui ouvrir un
chemin jusqu’à l’appartement de la Reine. En outre, dès leur départir de
l’Hôtel de Grenelle pour le Louvre, Madame de Guise informerait le Roi de son
manège.
    Tant plus j’y pense ce jour d’hui en mes années plus mûres,
tant plus je lui donne raison. Comme il était habile, alors, le beau
Bassompierre ! Habile, circonspect et si ménager du pouvoir, de tous les
pouvoirs, qu’il parvint à conduire son frêle esquif parmi tant d’écueils
jusqu’au maréchalat ! Et comment comprendre que le même homme – fort
coiffé, il est vrai, d’une grande intrigante – eut le malheur, quelques
années plus tard, de déplaire à un « curé » dont il était le
« paroissier », lequel « curé », qui était, de reste,
cardinal, l’envoya épouser la Bastille où il resta dix ans ?
    À son retour du Louvre, Joinville nous raconta, avec sa
coutumière vivacité, que lorsque Bassompierre et lui-même parvinrent jusqu’à la
chambre de la Reine, ils virent, debout auprès de Sa Majesté, et déversant sur
elle des flots d’italien, « ce monstre de laideur, de ruse et de
rapine » : Léonora Galigaï. À leur vue, la Florentine,

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