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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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« comme
une araignée qui, surprise au sol, regagne au plafond sa toile », s’enfuit
par un petit viret qui menait aux pièces qu’elle occupait au-dessus des appartements
royaux et dont elle ne sortait jamais, à la différence de son mari, le beau
Concino Concini, qui aimait parader à toutes les fêtes de la cour, y compris à
celles où il n’était pas invité. Quant à la Reine, habillée, coiffée et
« plus couverte de bijoux qu’une idole », elle était prête, mais
point encore décidée à rejoindre, au bal de Madame de Guise, son royal époux.
Pourtant, à en juger par les derniers mots en italien que Joinville avait
surpris en entrant, la Galigaï avait poussé Sa Majesté de toutes ses forces dans
cette voie, craignant, si le Roi allait au bout de ses menaces, qu’on la
renvoyât en Toscane avec la maîtresse dont elle était la «  sangsoue  ».
« Le fait est, dit Joinville, que si on la secouait la tête en bas en la
tenant par les pieds, Dieu sait combien d’écus d’or tomberaient de sa bouche,
et tous des Henricus  ! » « Bref ! » dit Madame
de Guise. « Bref ! dit Joinville, l’araignée avait réussi à habiller
la Reine, mais non tout à fait à la décider à sortir. Madame, vous connaissez
la Médicis ! Quand sa mâchoire a croché dans une décision, il est presque
impossible de lui faire lâcher prise. Toutefois, je ne perdis pas espoir. Après
avoir dévotement baisé le bas de sa robe, je lui tendis votre poulet, Madame,
qu’elle prit de ses doigts boudinés ornés de diamants monstrueux, sans compter
le fameux bracelet tout en diamants aussi… »
    « Bref ! » dit Madame de Guise. « Bref,
elle décacheta le billet. Elle le lut non sans mal, votre écriture, Madame,
n’étant pas des plus lisibles, ni votre orthographe des meilleures, et le
miracle opéra. Sur un signe d’elle, Madame de Guercheville emboucha l’oliphant
et la troupe des filles d’honneur apparut, prête à sauter dans les carrosses.
Savez-vous, Madame, que ces charmantes garcelettes portent une sorte
d’uniforme, de reste fort magnifique, fait de toile d’or et d’argent ?
Elles frétillèrent à nous voir, Bassompierre et moi-même, et l’une d’elles,
Victoire de Cadaillac, d’un seul regard, me déroba mon cœur. – Monsieur,
dit Madame de Guise, laissez donc votre cœur où il est. Voudriez-vous que le
Roi vous force à épouser la pécore ? Et qu’est-ce donc encore que cet
oliphant que la Guercheville embouche ? Je ne lui ai jamais rien vu de
pareil ! »
    Nous revînmes radieux, mais bouche cousue, en la
grand’salle, où régnait la plus morne tristesse, les violons demeurant muets,
le Roi sans sa Reine, la cour pleine d’interrogations et de déquiétude, comme
dans l’attente d’un grand deuil. Et pour dire le vrai, on attendit encore si
longtemps qu’on se demanda si Marie de Médicis ne s’était pas, au dernier
moment, ravisée. J’ouïs Madame de Guise dire à mon père à voix basse qu’elle se
félicitait de n’avoir pas, en violation de sa promesse à Bassompierre, informé
le Roi de son manège, puisqu’elle le voyait bien, il avait échoué. Comme elle
achevait, les tambours se mirent à battre dans la cour de l’hôtel et Monsieur
de Réchignevoisin, ayant jeté un coup d’œil par la fenêtre, frappa le parquet
de sa canne et cria d’une voix où perçaient un grand soulagement et une note de
triomphe :
    — Sire, la Reine !
    Un cri de joie s’éleva dès que la Reine apparut dans la
grand’salle, précédant ses filles d’honneur et une suite nombreuse,
lequel – je parle du cri – se changea en acclamations, tandis que le
Roi, souriant, descendait de l’estrade et s’avançait vivement, les deux mains
tendues vers Sa Gracieuse Majesté. On eût pu croire que cet accueil si
chaleureux du Roi et de la cour allait toucher celle qui en était l’objet et
amener un sourire sur ses lèvres. Il n’en fut rien. N’ayant pas assez d’esprit
pour entendre que, puisqu’elle cédait, il valait mieux céder de bonne grâce,
elle ne salua personne. Le buste droit, haussant le bec, elle demeura altière
et revêche, faisant au Roi une révérence des plus roides et lui tendant la main
au bout de son bras tendu comme pour le maintenir à distance. Combien plus fin
fut alors notre Henri ! Sans faire mine ni semblant de s’apercevoir de la
froideur de Marie, il continua à lui sourire, la baisa sur les deux joues et
s’inquiéta

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