Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
balancements
latéraux du torse qui ne rappelaient que d’assez loin, disait Lescot, les tortillements
voluptueux des femmes ibériques.
    Dans sa version française, c’était une danse, à dire le
vrai, peu fatigante pour le cavalier, puisqu’il n’avait ni à guider ni à faire
tourner, ni surtout à soulever dans les airs sa cavalière, raison pour laquelle,
à mon sens, le Roi l’avait choisie pour ouvrir le bal, la Reine étant si
pesante. Tout ce que l’homme avait à faire, en l’occurrence, était de se placer
en face de sa cavalière, d’imiter ses pas et de montrer, en l’envisageant œil à
œil, qu’il était saisi de mille douces pensées à contempler les mouvements de
son corps. Monsieur Lescot, qui avait l’art de dire les choses sans froisser
l’honnêteté, appelait cela des « regards de courtoisie » et selon sa
philosophie, ils étaient partie intégrante de la danse qui était, « dans
les limites de la décence et de la distance, un art tout de caresses ».
    Ma rousse cavalière eut d’autant moins à se plaindre de moi
à cet égard qu’elle était fort décolletée, comme le lecteur ne peut manquer de
s’en ressouvenir, tant est qu’au moindre balancement de son torse, les globes
jumeaux de ses tétins saillaient, s’écartaient ou se rejoignaient d’une façon
que je trouvais la plus ravissante du monde ; en particulier quand, se
rejoignant, ils se blottissaient, pour ainsi parler, l’un contre l’autre, de
façon si intime et si amicale qu’on avait envie de se joindre à eux.
    La danse finie, Noémie de Sobole s’avisa de se plaindre de
l’indiscrétion de mes œillades, mais je vis bien que ses paroles n’avaient pour
fin que de prolonger, en en disputant, le plaisir que mes regards lui avaient
donné. Loin de me montrer repentant, je pris alors le parti de renchérir sur
l’éloquence de mes prunelles et de lui faire un éloge tout à plein déshonté des
objets de mon admiration. Il fut prononcé à voix basse et elle ne songea à s’en
indigner que lorsqu’il fut fini.
    — Ah ! Monsieur le fripon ! dit-elle en
rougissant, il faut que vous soyez déjà un grand ribaud pour oser parler ainsi
à une fille de bon lieu ! Jour de Dieu ! Si vous en agissez de la sorte
avec les dames à votre âge, que sera-ce quand vous aurez le mien ? Il
faudra vous mettre un bandeau sur l’œil, un cadenas aux lèvres et des entraves
aux mains !
    — Aux mains ? dis-je, mais elles ne furent, dans
l’affaire, point coupables du tout. Ce n’est pas assurément que l’envie ne les
ait démangées de prendre le relais de l’œil…
    — Chevalier ! dit-elle, mi-fâchée mi-chatouillée,
voilà qui va véritablement dans l’excès ! Je n’en crois pas mes oreilles
de vos turlupinades ! Avez-vous le front de m’avouer que, dansant avec une
personne de qualité, il vous est venu dans l’esprit de lui caresser les
tétins ?
    — Où est le mal, puisque je ne l’ai pas fait ?
    — Mais la pensée. Monsieur, la pensée seule !…
    — Oh ! Pour la pensée, Madame, soyez bien assurée que
plus d’un l’a eue ce soir rien qu’en vous voyant ! À commencer par mon
père.
    — Quoi ? Votre père ? Votre père aussi ?
    Elle reprit souffle et ajouta avec une avidité qui me parut
fort plaisante :
    — Vous en a-t-il fait la confidence ?
    — Il a loué devant moi les mérites qu’à vue de nez il
avait discernés chez vous.
    — Les mérites ! Sont-ce là des mérites ? Vous
vous moquez ! La peste soit de votre impertinence ! Je ne danserai
plus avec vous ce soir, cela est sûr !
    — J’en serais bien marri. De grâce, Madame, ne prenez
pas la chèvre sur une parole un peu hardie ! Qu’ai-je fait, sinon dire
tout haut ce que le monde entier pense tout bas ? Et pourquoi faut-il que
vous me tanciez de ma franchise ?
    Voyant toutefois que, dans les sentiments mêlés qui
l’agitaient, commençait à se faire jour un peu d’aigreur, je quittai le ton du
badinage et j’ajoutai, la voyant prête à s’en aller :
    — Est-ce ma faute si vous êtes si belle ?
    Même la Marquise de Rambouillet n’aurait su dire, à cet
instant, si je mentais ou si j’étais sincère, puisque moi-même je n’aurais su
trancher. Tout ce que je savais, c’est que je ne voulais pas qu’elle me quittât
fâchée, éprouvant quelque petit remords de lui avoir mordillé l’oreille comme
un jeune chien, moitié par jeu et moitié par désir.
    — Allez !

Weitere Kostenlose Bücher