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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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parut se
souvenir qu’il n’était pas seulement son parent, mais son Roi et, se mettant à
ses genoux, elle lui prit les mains et les baisa. Il la releva aussitôt, et lui
offrant le poing, il la ramena jusqu’à sa chaire et après lui avoir fait un
grand et souriant salut, il regagna vivement son estrade. Il n’avait pas les
jambes longues, mais il faisait de grandes enjambées comme un montagnard. On
l’applaudit derechef et il me sembla que ce ne fut pas par courtisanerie, mais
bien parce que l’assemblée avait été sensible au naturel et à la bonhomie de
cette petite scène. Je me fis quant à moi cette réflexion qu’Henri n’était pas
si chiche-face qu’on le disait, puisqu’il avait pensé à l’anniversaire de sa
cousine.
    — Venez, dit mon père, ne perdons pas une minute. Il
faut le saisir au vol.
    Je me tins fort soigneusement dans son sillage pour éviter
d’être séparé de lui par tous les courtisans qui, maintenant que la danse était
finie et le Roi assis sur son trône, sillonnaient la grand’salle en tous sens
pour retrouver tel ou tel, l’ambition de chacun paraissant être de s’entretenir
avec le maximum de gens en un minimum de temps. Toutefois, d’aucuns
personnages, agissant comme de puissants aimants, attiraient davantage les
saluts et l’attention, soit par leur beauté ou leur esprit (s’agissant surtout
de femmes), soit par leur rang, soit encore en vertu d’une position qui leur
permettait d’approcher quotidiennement le Roi et la Reine, et laissait, par
conséquent, supposer qu’ils pouvaient détenir sur eux une once d’influence.
J’observais, par exemple, que Concino Concini, en dépit de sa peu reluisante
réputation, était presque toujours entouré d’une grappe imposante de personnes
des deux sexes, au milieu desquelles, le front superbe, le buste droit, et
haussant le bec, il pérorait avec la plus parfaite impudence en un français
baragouiné d’italien.
    Assis sur un coin de l’estrade royale, mais les pieds sur le
parquet de la salle, nonchalant en sa pose, mais l’œil attentif, Monsieur de
Praslin, capitaine, comme Vitry, aux gardes françaises, et comme lui, plus
tard, maréchal de France, leva la main pour arrêter mon père et, sans un mot,
le regarda d’un air interrogatif, comme pour lui demander l’affaire qui
l’amenait là : « Je vais, dit mon père, sur l’ordre de Sa Majesté, lui
présenter mon fils que voilà, le Chevalier de Siorac. »
    Semblable au chien de garde à qui son maître explique que
l’intrus est un ami, et qui vient le flairer avec soin pour le reconnaître à
l’occasion, Praslin, substituant à la manière des hommes la vue à l’odorat, me
dévisagea d’un œil aigu, comme s’il eût voulu, une fois pour toutes, graver mes
traits en sa mémoire. Je le contreregardais pendant ce temps. C’était un homme
d’une quarantaine d’années, dru, solide, le poil grison, la mâchoire forte, l’œil
petit et perçant ; d’après mon père, fidèle soldat, vaillant, point sot,
mais ladre à n’y pas croire, et épargnant tout, même ses paroles. Et de fait,
après qu’il m’eut de pied en cap répertorié, il inclina la tête pour signifier
que nous pouvions passer, mais sans desserrer les dents davantage, ni même
sourire.
    Une fois sur l’estrade, mon père me laissant sur place alla
faire ses révérences à Sa Majesté, puis revenant à moi il me dit :
« Venez, le moment est venu. »
    À vrai dire, j’étais assez tremblant. J’avançai avec peine,
mes jambes me paraissant de laine et me portant si peu que je fus aise de me
mettre à genoux. Mes oreilles me bourdonnaient tant que c’est à peine si
j’entendis la phrase de présentation de mon père. Cependant, ma vue demeurait
claire et je regardai Henri. Je ne sais pas pourquoi, sur les médailles, on
représente toujours les rois de profil, peut-être parce qu’ils sont ainsi plus
faciles à graver. C’est de face qu’il faudrait les montrer, ne serait-ce que
pour s’assurer qu’ils ne louchent pas.
    Il est vrai que, de profil, Henri paraissait plus
majestueux, en raison de son nez Bourbon, de sa mâchoire bien dessinée et du
dessin vigoureux de son crâne. Mais, de face, on voyait ses yeux et on ne
voyait qu’eux. J’ai déjà tâché de les décrire à son arrivée à l’Hôtel de Guise,
sans que ma description me satisfasse vraiment. Je ne sais qui a dit qu’ils
étaient « flammeux et brillants ». J’aimerais mieux

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