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Labyrinthe

Labyrinthe

Titel: Labyrinthe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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ses bras et ses jambes, ses genoux écorchés et malodorants, les parties endolories de son corps. Elle sent qu'on l'agrippe rudement par l'épaule, qu'on la secoue pour la ramener à la vie.
    « Alice ! Alice ! Réveille-toi ! »
    1. Pas à pas, l'on va loin (Qui veut voyager loin ménage sa monture). (N.d.T.)

LA CITÉ SUR LA COLLINE

1
    Carcassona

    J ULHET 1209
    À peine éveillée, Alaïs se redressa d'un bond, les yeux écarquillés. Comme un oiseau pris au piège, la peur palpitait dans sa poitrine. Elle y porta machinalement la main pour apaiser les battements désordonnés de son cœur.
    Elle demeura un instant inerte, dans un état de demi-éveil, comme si une part d'elle-même voulait encore s'attarder dans son rêve. Elle se sentait flotter, contemplant son corps de haut, à la manière dont les gargouilles grimaçantes de la cathédrale Sant-Nasari regardaient la foule.
    Mais elle était dans son lit, au Château comtal, en toute sécurité. Peu à peu, ses yeux s'accoutumèrent à l'obscurité. Elle reconnut les lieux, et comprit qu'elle était hors d'atteinte des êtres aux yeux noirs qui hantaient son sommeil, et des mains adipeuses et crochues qui tentaient de la retenir. Ils ne peuvent plus rien contre moi. Le langage gravé dans la roche qui avait hanté son sommeil – des signes dénués de sens et non des mots – n'avait pas plus de substance qu'une volute de fumée dans le ciel automnal. Les flammes s'étaient éteintes, elles aussi, ne lui laissant en mémoire qu'un brûlant souvenir.
    Une prémonition ? Ou seulement un cauchemar ?
    Elle n'avait aucun moyen de le savoir. Elle le redoutait.
    Alaïs tendit la main vers le baldaquin qui encadrait le lit, comme si au contact d'un objet réel, elle serait devenue moins transparente, moins immatérielle. Le tissu usé, poussiéreux, imprégné des odeurs familières du château, acheva de la rasséréner.
    Le même rêve la poursuivait nuit après nuit. Chaque fois qu'enfant, elle s'était éveillée dans le noir, en larmes et apeurée, son père avait été à son chevet, veillant sur elle comme s'il s'était agi d'un fils. Alors que s'éteignait la chandelle et qu'une autre était allumée, il lui racontait à voix basse ses péripéties en Terre sainte. Il évoquait le désert plus grand que les mers, les arabesques des mosquées, l'appel à la prière adressé aux Sarrasins. Il lui décrivait la subtile odeur des épices, les couleurs éclatantes, le goût relevé des nourritures. Le formidable et sanglant éclat du soleil se couchant sur Jérusalem.
    De longues années durant, dans le vide des heures entre le crépuscule et l'aube, alors que sa sœur sommeillait auprès d'elle, son père n'avait cessé de parler, mettant ses démons en fuite. Il avait interdit aux prêtres noirs catholiques, porteurs de faux symboles et de superstitions, de s'approcher d'elle.
    Et ses paroles l'avaient sauvée.
    « Guilhem ? » murmura-t-elle.
    Son époux était profondément endormi, bras écartés comme pour revendiquer la possession de tout le lit. L'odeur d'écurie, de fumée et de vin mêlés qui imprégnait ses cheveux s'était transportée jusque sur les oreillers. La clarté opaline de la lune entrait par le volet ouvert à la fraîcheur de la nuit. Alaïs se surprit à contempler le menton volontaire et broussailleux de son mari, le bref éclat de la chaîne qu'il portait au cou, quand il changea de position.
    L'envie la prit de le réveiller, afin de le rassurer en lui disant que sa frayeur s'était à tout jamais dissipée. Le profond sommeil dans lequel il était plongé l'en dissuada. D'ordinaire, le courage ne lui faisait pas défaut ; les réalités du mariage lui étant toutefois peu connues, elle laissa timidement courir ses doigts sur le bras de son époux, sur ses épaules rendues larges et vigoureuses par nombre d'heures passées au maniement de l'épée. Elle sentait la vie palpiter sous sa peau et, malgré l'obscurité, rougit violemment au souvenir de leurs récents ébats.
    Les émotions que Guilhem avait éveillées en elle la submergeaient. Il lui suffisait d'apparaître pour qu'elle sentît son cœur bondir délicieusement, et le sol chavirer chaque fois qu'il lui souriait. Pourtant, l'impression d'impuissance qu'éveillaient ces sensations ne lui convenait guère. Elle craignait qu'à la longue l'amour ne la rendît faible et alanguie. Si son sentiment pour Guilhem ne faisait aucun doute, elle savait cependant qu'il

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