Labyrinthe
Carcassonne pour limites respectives.
Le château avait été bâti autour d'une cour rectangulaire, et agrégé côté ouest aux ruines d'une place forte gallo-romaine. Il contribuait ainsi au renforcement des fortifications qui entouraient la Cité, anneau de pierre de taille surplombant la rivière Aude, de même que les paluds qui s'étendaient sur le flanc septentrional.
Fortement gardé, le donjon, où les consuls 2 se réunissaient pour sceller d'importants documents, se dressait à l'angle sud-ouest de la grande cour. Dans l'aube naissante, Alaïs aperçut deux garçons qui, perchés sur un mur comme deux corbeaux, s'acharnaient à réveiller un chien en lui jetant des pierres. Le silence était si profond qu'elle entendait leurs talons nus heurter les hourds de bois.
Le Château comtal possédait deux portails. La grande porte ouest, que l'on n'ouvrait qu'en de rares occasions, accédait aux pentes herbeuses qui longeaient les grands murs. Plus petite, plus étroite aussi, la porte est était flanquée de hautes tours, et donnait accès aux ruelles de la Ciutat , la Cité, elle-même.
Les étages de ces tours communiquaient entre eux par des échelles de bois adossées à d'étroites ouvertures. Enfant, Alaïs se plaisait à déjouer l'attention du guet pour y grimper avec les gamins de son âge. Étant la plus leste, c'est toujours elle qui arrivait la première.
Resserrant frileusement les pans de sa cape, elle traversa en hâte la grande cour. D'ordinaire, une fois le couvre-feu sonné, le guet était à son poste, les portes refermées, et nul ne pouvait les franchir sans la permission de son père. Bertrand Pelletier avait beau n'être pas consul, il jouissait d'un statut unique et privilégié. Peu osaient lui désobéir.
L'intendant exécrait la fâcheuse habitude d'Alaïs de se glisser hors des murs aux premières heures de la journée. Ces temps derniers, il se montrait encore plus inflexible, la sommant avec force de rester dans l'enceinte du château aussi longtemps que le jour n'était pas levé. Quoiqu'il n'en eût jamais soufflé mot, Alaïs présumait que Guilhem partageait cette décision. C'est pourtant seule, dans l'anonyme quiétude de l'aube, affranchie de toute contrainte domestique, qu'elle était vraiment elle-même. Fille, sœur ou épouse, elle n'appartenait plus à personne. En son for intérieur, elle avait toujours été convaincue que son père la comprenait. Et, quel que fût son déplaisir à transgresser ses ordres, elle ne pouvait renoncer à ces instants de liberté.
Les hommes du guet fermaient généralement les yeux sur ses allées et venues. Du moins en avait-il été ainsi jusqu'à ce que des rumeurs de guerre se missent à circuler, et que la garnison redoublât de vigilance. En apparence, la vie se poursuivait comme à l'accoutumée. Si des manants venaient de temps à autre se réfugier dans la Cité, Alaïs ne voyait rien que de très ordinaire dans les attaques et les persécutions dont ils faisaient l'objet. Des cavaliers surgissant d'on ne sait où et frappant avec la violence d'un orage d'été étaient chose banale pour qui vivait à l'extérieur des fortifications. Ce qui se racontait n'était ni plus ni moins que les aléas de la vie quotidienne.
Guilhem ne semblait pas davantage troublé par les rumeurs de guerre, pour autant qu'elle le sût. C'était un sujet qu'il n'abordait jamais en sa présence. Pourtant, Oriane prétendait qu'une armée de croisés et d'hommes d'Église venus du Nord s'apprêtait à attaquer le pays d'oc. Pis encore, elle alléguait que cette expédition avait la bénédiction du pape et l'aval du roi de France en personne. Alaïs savait d'expérience qu'à peu près tout ce qu'affirmait Oriane n'avait autre dessein que de la contrarier. Néanmoins, cette dernière semblait être au fait des événements bien avant tout le monde, et l'on ne pouvait nier que le nombre d'émissaires arrivant au château allait sans cesse croissant, ni que son père avait chaque jour les joues un peu plus creuses et le front plus soucieux.
Les yeux rougis par de longues nuits de veille, Les sirjans d'arms 3 de la porte d'orient étaient encore en poste. Entre leurs heaumes repoussés sur la nuque, la cotte de mailles qui leur battait les jambes et leurs écus négligemment jetés en travers de l'épaule, ils semblaient plus disposés à gagner leur cantonnement qu'à livrer une bataille.
Comme elle se rapprochait, Alaïs fut soulagée
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