Labyrinthe
voie ! » s'esclaffa Siméon.
Alaïs réprima un sourire et posa une main rassurante sur le bras de son géniteur.
« Paire , articula-t-elle patiemment. Vous pouvez constater que je suis sauve, qu'il n'est rien advenu à votre fille. »
Comme l'intendant examinait ses mains écorchées, elle s'empressa de les dissimuler sous sa cape.
« C'est peu de chose, une simple égratignure…
— Étiez-vous armée ?
— Assurément, acquiesça-t-elle.
— Mais alors où…
— J'ai pensé qu'il ne serait point avisé d'aller par les rues de Besièrs avec mon attirail. »
En disant cela, elle le regardait d'un air innocent.
« En effet, murmura-t-il dans sa barbe. Rien de grave n'est survenu ? Vous n'avez aucun mal ? »
Quoique se ressentant de son épaule blessée, Alaïs soutint son regard.
« Je ne souffre point », mentit-elle.
Bien qu'apparemment apaisé. l'intendant fronça les sourcils.
« Comment saviez-vous que vous me trouveriez céans ?
— Je l'ai appris par Amiel de Coursan, le fils du seigneur, lequel m'a fort courtoisement fourni une escorte. »
Siméon acquiesça :
« C'est un homme très admiré par nos contrées.
— Rendez grâce à votre bonne fortune, déclara Pelletier, à l'évidence peu enclin à changer de propos. Car votre initiative relève de la folie. Vous auriez pu être tuée. Je n'ose croire que vous…
— Vous vous apprêtiez à faire la narration de notre rencontre, Bertrand, intervint Siméon d'un air entendu. Les cloches ont cessé de sonner, et le conseil a dû commencer. Le temps nous est compté. »
Un court instant, Pelletier parut se renfrogner. Puis ses épaules s'affaissèrent et son visage prit une expression résignée.
« Fort bien, fort bien, puisque c'est ce que vous voulez… »
Alaïs échangea un regard avec Siméon.
« Il porte le même anneau que vous, paire . »
L'intendant sourit.
« Siméon fut, tout comme moi, recruté par Harif en Terre sainte, un peu auparavant, cependant, et nos routes ne se sont jamais croisées. Alors que la menace de Saladin et de ses armées se faisait plus probante, Harif renvoya Siméon dans la ville de Chartres. Je l'y suivis quelques mois plus tard, en emportant les parchemins. Le voyage dura plus d'une année, mais au moment où je parvins à Chartres, Siméon m'y attendait, comme Harif me l'avait promis. » À ce souvenir, l'intendant esquissa un sourire : « Combien j'ai détesté l'humidité glaciale de cette cité après la lumière et la chaleur de Jérusalem, je ne saurais le dire, tant elle me semblait morne et désolée. Par bonheur, Siméon et moi, nous nous sommes entendus dès le premier instant. Sa tâche consistait à colliger les parchemins en trois livres distincts. Alors qu'il s'attelait à l'ouvrage, j'ai pu apprécier sa sapience et son commerce agréable.
— Vraiment, Bertrand… » protesta le vieil homme, mais Alaïs perçut à quel point il était sensible au compliment.
— Néanmoins, poursuivit Pelletier, il faudra lui demander vous-même ce qu'il vit dans le soldat inculte et illettré que j'étais. Il ne m'appartient point d'en juger.
— Vous aviez soif de savoir, mon ami, intervint aimablement Siméon. Cela transparaissait dans l'expression de votre foi.
— J'ai toujours su que les livres devaient être séparés, reprit Pelletier. Sitôt que Siméon eut parachevé son ouvrage, je fus enjoint de me rendre dans ma ville natale pour y prendre la charge d'intendant auprès du jeune vicomte Trencavel. Rétrospectivement, je trouve étrange de ne m'être point soucié des deux autres manuscrits. Je présumai que Siméon avait la garde de l'un, quoique je ne l'eusse jamais tenu pour certain. Quant au troisième, je n'y songeais point. J'éprouve quelque vergogne, à présent, pour mon absence de curiosité. Je me bornai à garder le livre qui m'avait été confié, et pris la route du Sud.
— Vous ne devez éprouver nulle honte, assura Siméon. Vous vous êtes acquitté de votre mission avec cœur et confiance.
— Avant que votre apparition n'écartât les pensées que j'avais à l'esprit, nous parlions justement des livres, Alaïs », déclara Pelletier.
Siméon s'éclaircit la voix :
« Du livre, corrigea-t-il. Je n'en ai qu'un en ma possession. »
— Comment cela ? s'insurgea l'intendant. La missive de Harif… Je tenais pour acquis que vous déteniez les deux. À tout le moins, que vous saviez où ils se trouvaient. »
Siméon fit un signe
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