Labyrinthe
à vous exposer, soupira Pelletier.
— Cela, je ne l'ignore point, et je vous sais gré de l'affection que vous me portez. Mais je veux vous assister, j'en suis fort capable.
— Je ferai une suggestion qui pourrait tous deux vous satisfaire, hasarda Esclarmonde. Permettez que votre fille emporte la trilogie seulement sur une partie du chemin, disons jusqu'à Limoux. J'y ai des amis sûrs qui lui pourvoiront un logis. Sitôt vos tâches auprès du vicomte accomplies, il vous sera loisible de la rejoindre et d'achever avec elle le voyage vers les montagnes.
— Je ne vois point en quoi cela nous aiderait, regimba Pelletier. La folie d'un tel voyage en ces temps incertains ne manquera pas d'attirer l'attention, ce qui me semble la première chose à éviter. En outre, j'ignore combien de temps le vicomte me retiendra à Carcassona.
— Cela est aisé, intervint Alaïs avec flamme. Il me suffirait d'annoncer que je m'en vais honorer un vœu que j'aurais fait lors de mes épousailles. Je pourrais prétendre vouloir faire un don à l'abbaye de Sant-Hilaire, laquelle est toute proche de Limoux.
— Cette démonstration impromptue de piété ne leurrera personne, objecta, non sans humour, Pelletier. Votre époux moins que tout autre.
— Je pense, à l'inverse, que l'idée est excellente, intervint derechef Siméon en agitant l'index. Nul ne contestera la pertinence d'un tel pèlerinage en pareille conjoncture. Outre cela, Alaïs se trouve être la fille de l'intendant de Carcassona. Nul n'osera douter de ses intentions. »
Le visage obstinément fermé, Pelletier s'agita sur son siège.
« Mon opinion demeure que la trilogie sera mieux protégée céans, entre les murs de la Ciutat . Harif ne peut appréhender la situation mieux que nous. Et Carcassona ne tombera point.
— Toute citadelle, pour inexpugnable qu'elle soit, peut tomber un jour, vous le savez bien. Le navigatairé nous enjoint de lui délivrer les manuscrits dans les montagnes. Je conçois que vous répugniez à abandonner le vicomte en un pareil instant. Vous vous êtes exprimé en la matière, et nous vous entendons. À tort ou à raison, vous écoutez la voix de votre conscience. Cependant, si ce n'est vous, permettez alors que quelqu'un y aille à votre place. »
Alaïs devinait, chez son père, le dur combat que se livraient ses pensées contradictoires. S'approchant, elle posa sa main sur la sienne. L'intendant ne dit mot, répondant à son geste par une simple pression des doigts.
« Aquo es vòstre , souffla-t-elle. La décision vous appartient. »
Pelletier exhala un long soupir.
« Vous vous mettez en grand péril, filha . Persistez-vous dans cette voie ?
— Ce sera un honneur pour moi que de servir votre cause. »
Siméon vint poser la main sur l'épaule de son ami.
« C'est une fille résolue et pleine de hardiesse que vous avez là. Elle est semblable à vous, mon ami. »
Sentant proche la décision finale, Alaïs osait à peine respirer.
« Mon cœur s'y oppose, déclara enfin l'intendant, quand la raison me dit tout autrement. » Il s'interrompit, comme s'il redoutait les mots qu'il s'apprêtait à prononcer. « Si votre époux et dame Agnès vous y autorisent et si Esclarmonde accepte de vous chaperonner, alors je vous accorde ma permission. »
Alaïs se pencha sur son père pour lui baiser la joue.
« Vous prenez une sage décision, déclara Siméon, rayonnant de joie.
— Combien d'hommes en armes pouvez-vous nous allouer, messire l'intendant ? voulut savoir la gardienne.
— Quatre, six tout au plus.
— Et combien de temps leur faudra-t-il pour les préparatifs de voyage ?
— Moins d'une semaine, répondit Pelletier. Agir trop hâtivement attirerait l'attention. Il me faut obtenir l'agrément de dame Agnès, et vous, Alaïs, celle de votre époux. » Cette dernière songea à répondre que Guilhem remarquerait à peine son départ, mais elle se ravisa. « Pour que notre stratagème ne soit pas éventé, filha , il nous faut respecter l'étiquette », poursuivit son père qui se leva pour se retirer, toute indécision bannie de son visage. « Alaïs, retournez au château et trouvez François. Instruisez-le de vos intentions en termes succincts, et dites-lui que je requiers sa présence séance tenante.
— Ne venez-vous point ?
— Tantôt.
— Fort bien. Dois-je emporter avec moi le livre que détient Esclarmonde ? »
Pelletier eut un sourire amusé.
« Étant donné que dame
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