Labyrinthe
avait offert au marché et qui était de couleur similaire à celui du vêtement, elle referma la poche secrète.
Elle tint un instant le manteau à bout de bras, pour le glisser ensuite sur ses épaules. Le poids du livre le faisait s'affaisser sur le côté, mais sitôt qu'elle aurait cousu celui que lui remettrait son père sur l'autre pan, le vêtement serait équilibré.
Ne restait qu'une seule tâche dont elle devait s'acquitter. Abandonnant la cape sur le dossier d'une chaise, elle alla voir si l'encre du parchemin avait séché. Avec la crainte d'être surprise à tout moment, elle le plia soigneusement, et le glissa dans un coussinet de lavande qu'elle recousit avec soin avant de le glisser sous son oreiller.
Elle regarda autour d'elle, satisfaite de l'ouvrage accompli, puis se mit à ranger ses outils de couture.
On frappa à la porte. Pensant que c'était son père, Alaïs s'empressa d'aller ouvrir. Elle découvrit Guilhem sur le seuil, se demandant manifestement s'il était le bienvenu, avec son éternel demi-sourire et son regard d'enfant perdu.
« Puis-je entrer, dame ? » murmura-t-il.
Le premier réflexe de la jeune femme fut de se jeter à son cou, mais la prudence l'en empêcha. Trop de paroles avaient été prononcées, trop peu pardonnées.
« Puis-je ?
— C'est aussi votre chambre, répliqua-t-elle avec détachement. Je ne saurais vous en interdire l'entrant.
— Vous êtes si distante, commenta-t-il en refermant la porte derrière lui. J'eusse aimé que ce fût par plaisir et non par devoir que vous me répondiez ainsi.
— Je suis heureuse de vous voir, messire.
— Vous me semblez lasse », dit-il avec un geste pour lui effleurer la joue.
Comme il aurait été aisé de renoncer, de s'abandonner entièrement à lui…
Elle ferma les paupières, sentant presque les doigts de Guilhem glisser sur sa peau. Une caresse, aussi légère qu'un murmure, aussi naturelle qu'une respiration. Alaïs s'imagina se penchant vers lui pour lui permettre de la prendre dans ses bras. Sa présence la troublait, lui donnait le sentiment d'être faible et sans volonté.
Je ne peux. Je ne dois.
Elle se força à ouvrir les yeux et recula d'un pas.
« Non, balbutia-t-elle, de grâce, non. »
Guilhem lui prit alors la main pour la garder dans les siennes, lui faisant ainsi ressentir l'intensité de son émotion.
« Bientôt, à moins d'une intervention divine, nous devrons affronter les Français. Le temps venu, Alzeau, Thierry et les autres, nous partirons au combat et pourrons n'en point revenir.
— Si fait, dit-elle simplement, espérant voir un peu de vie éclairer son visage.
— Depuis notre retour de Besièrs, je me suis méconduit envers vous, sans cause ni raison. J'en suis navré et viens vous en demander pardon. Trop souvent, je me montre jaloux, et cette jalousie me conduit à tenir des propos que je regrette ensuite. »
Alaïs soutint le regard de son époux, incertaine quant à ses sentiments, aux paroles qu'elle voulait prononcer.
Guilhem se rapprocha.
« Il ne vous déplaît point de me revoir, cependant…
— Vous avez été absent si longtemps, Guilhem, que je ne sais que penser, lui dit-elle en souriant.
— Souhaitez-vous que je vous quitte ? »
Alaïs sentit des larmes sourdre dans ses yeux, qui lui donnèrent le courage de tenir bon. La dernière chose qu'elle souhaitait, c'était qu'il la vît pleurer.
« Je crois que ce serait préférable, en effet. » De son corsage elle sortit un carré de coton qu'elle serra dans sa main. « Il nous reste encore du temps pour nous raccommoder.
— Le temps, c'est justement ce qui nous fait défaut, petite Alaïs. À moins que Dieu ou les Français ne s'y opposent, je reviendrai demain. »
Alaïs songeait aux livres et aux responsabilités qui venaient de lui échoir. Son départ était imminent. Il se pourrait que je ne le revoie oncques plus.
Son cœur capitula. Après une dernière hésitation, elle se précipita contre lui et l'étreignit violemment, comme pour garder sur elle les marques de son corps.
Puis elle se retira avec le même emportement.
« Nous sommes tous entre les mains de Dieu, dit-elle. À présent, laissez-moi, je vous prie.
— À demain ?
— Nous verrons cela. »
Immobile comme une statue, mains jointes pour les empêcher de trembler, elle attendit que l'huis se refermât. Songeuse, elle retourna ensuite à la table, s'interrogeant sur les raisons qui avaient poussé Guilhem
Weitere Kostenlose Bücher