Lacrimae
terminée, commenta Druon, épuisé. Installons-nous au moins dur et veillons-la jusqu’à son éveil.
1 - De cadere : tomber. Ou encore : haut mal, mal sacré, épilepsie dont on croyait dans l’Antiquité qu’elle pouvait être contagieuse. L’épilepsie, dont les manifestations et les causes sont variables, est la maladie neurologique la plus fréquente après les migraines, avec près de un pour cent de la population dans les pays industrialisés, environ un demi-million de personnes en France. Il existe maintenant nombre de traitements efficaces.
2 - Le tempérament paisible et l’haleine des vaches furent réputés jusqu’au début du XIX e siècle pour guérir et prévenir les crises d’épilepsie. Toutefois, il est exact qu’un environnement calme autour du sujet est recommandé durant les crises, bien qu’elles provoquent en général l’affolement des proches.
3 - Dans Recueil de secrets concernant les arts et les maladies , « Pour soigner le mal caduc », Anonyme, 1687.
4 - Oreillers, coussins.
LXI
Tiron, novembre 1306
C écile dormit aussi profondément qu’une souche durant une bonne heure, et se réveilla désorientée. Elle se souvenait juste avoir ressenti une immense confusion. Elle avait d’abord entendu Druon l’appeler, son cœur cogner dans ses oreilles, puis tout s’était brouillé. Non, elle n’avait pas eu la sensation de tomber à la renverse, et jamais elle n’avait souffert de ce genre d’attaques auparavant. Terrorisée, elle demanda :
— Ces… égarements vont-ils encore survenir, messire mire ?
— C’est possible.
— Mais j’vas mourir, alors ?
Druon fouilla les souvenirs de son père.
— Non pas. On meurt fort peu du mal caduc. Bien davantage d’une vilaine fièvre. Toutefois, j’ai connu quelques décès, dus à des chutes à la renverse, de toute une hauteur d’homme.
Il la vit se décomposer et songea que le moment était venu d’y aller du conseil qu’il retenait depuis le décès de Nicol. Cécile ne pouvait point rester seule, et ce mal caduc offrait un prétexte. Elle faisait partie de ces femmes qui ne vivent véritablement que lorsqu’elles peuvent, doivent s’occuper de quelqu’un, s’affairer autour d’un être plus démuni telle une poule couveuse qui veille, rabroue, protège.
— Me vient une idée, la seule en vérité. Il vous faut être accompagnée. Un serviteur attentionné qui vous allongera dès qu’il sentira la crise survenir. Pourquoi pas… je ne sais… un enfant abandonné… il n’en manque pas. De plus, vous feriez une belle action…
— Un enfant… ? J’y songe, mais… Et l’souvenir de Nicol ?
— En quoi Nicol et sa belle âme y verraient-ils à reprocher ? Cécile, Cécile… Nicol n’est plus un simple où il se trouve maintenant, entre les bras du Seigneur. Nicol comprend enfin tout, bien mieux que vous et moi. Comment pourrait-il s’insurger que vous sauviez un petit être, de la même façon que vous le sauvâtes d’une mort certaine ?
L’encouragement qu’attendait Cécile, qui avait craint de trahir la mémoire de son simplet.
— Voyez… Z’êtes vraiment un aesculapius … Soigner les corps et les peines de cœur. Faut ben être un prestigieux méd’cin pour ça, non ? Y’ a du labeur parmi nous autres. Vous pourriez vous installer… Et l’premier qu’essaie de rogner sur l’paiement, j’y cause dans les trous de nez et j’ai grosse voix !
Il la sentit soulagée, soudain. Il se permit un petit rire :
— Oh là ! Je ne doute que vous les impressionnez fort. Toutefois, je devrai repartir, dès après avoir découvert le meurtrier de Charon, Borée et Nicol.
— Quelle pitié ! Enfin un médecin qui vous f’sait pas passer de vie à trépas ! Vous avez raison pour l’enfant. Y s’ra ben mieux chez moi qu’à crever dans la forêt ou à être recueilli par une bande de truands. Bah, les meilleurs moments ne durent guère. Faut savoir les savourer et pas s’plaindre. R’gardez Nicol… j’lai eu dix-huit ans… Morbleu, quelles belles années ! Vous, messire mire, j’aurais eu l’honneur et l’privilège d’vous côtoyer quec’ jours. Faut s’en ravir et r’mercier Dieu d’avoir placé d’beaux êtres sur vot’chemin.
— Une belle et juste philosophie, Cécile. Nous la partageons, approuva Druon en songeant à son père.
LXIII
Tiron, novembre 1306
À sa promesse, Louis d’Avre fut de retour après complies. Druon
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