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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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avait retardé le moment de son souper, encourageant Huguelin à engloutir le sien, puis à se retirer. Par privilège, maîtresse Borgne avait accepté de leur abandonner la salle alors même que toute sa clientèle avait quitté l’établissement depuis belle heurette, quoique prévenant Druon qu’elle poserait les mets sur la table ou au coin de l’âtre et qu’ils s’en débrouilleraient. De surcroît, il avait mission de verrouiller après le départ du bailli.

    Ce fut donc Druon qui s’acquitta de remplir leurs écuelles et de couvrir leurs tranchoirs. En ce jour maigre, Cécile leur avait mitonné une porée de cresson 1 , un chaudumé 2 de truites, tenus tièdes dans un coin de la cheminée. Une tourte aux espinoches 3 les accompagnait et des rissoles aux fruits secs et à la cannelle faisaient office d’issue.
    Louis d’Avre commenta, amusé :
    — Diantre, si j’en juge par cette goûteuse mangerie 4 , maîtresse Borgne vous tient en belle estime.
    — Certains êtres gagnent à être connus dans leurs peines et misères.
    — Les créatures humaines !
    — Oui-da. Du meilleur au pire. Seigneur bailli, avez-vous glané des éléments de nature à faire progresser l’enquête ?
    — Qu’en sais-je ? Cela étant, nos transcriptions sont méticuleuses et rien ne s’égare dans mon bailliage. Il me serait insupportable qu’un assassin me file entre les doigts à cause d’un défaut d’écritures.
    — Fichtre, quelle dépense considérable en papier ! souligna Druon.
    — Elle se justifie. De surcroît, mes secrétaires ont inventé un judicieux système d’abréviations avec points auquel je concède deux avantages : il réduit de moitié la longueur des textes et si ceux-ci parvenaient devant des yeux indélicats, la lecture en serait ardue 5 . Mais revenons-en à l’essentiel. Le passé de Leonnet Charon rejoint celui de Martin Borée en deux occasions. Il y a un peu plus de trois ans, une dame de qualité de Nogent-le-Rotrou, où le mercier avait gros négoce, s’est venue plaindre d’une escroquerie. Borée lui avait vendu des agrafes de manches rapportées 6 , certifiant qu’elles étaient d’argent, jusqu’à ce qu’elles se révèlent de vil métal. Mon Leonnet Charon s’est déplacé. Borée a juré qu’il avait été dupé lui-même et a restitué promptement l’argent. L’affaire en est restée là.
    — Ayant cerné son tempérament grâce à différents témoignages, je gagerais qu’il a feint l’innocence et en a grugé d’autres d’identique façon. L’autre occasion ?
    — Une histoire bien embrouillée dont la… conclusion remonte à plus d’un an. À ses dires, Borée avait eu un emballement de sens pour une certaine Mabyn dont nous n’avons jamais appris le nom, puisqu’elle a déclaré n’en point posséder. Toujours selon Borée, il aurait peu à peu compris qu’elle pratiquait la magie venefica 7 ainsi que moult avortements pour lesquels elle se faisait grassement payer. En bref, une vile sorcière. Borée en tremblait, tant il craignait son implacable vengeance si elle venait à comprendre qu’il l’avait dénoncée. Charon, brave âme, lui a conseillé une ruse, ne doutant pas de sa parole. Au prétexte de discrétion, Borée a donc invité sa maîtresse en une auberge bien tenue de Nogent-le-Rotrou. Mes hommes l’y ont arrêtée. Je ne suis que peu intervenu, l’affaire relevant d’un tribunal religieux. Toutefois ce que j’ai lu des transcriptions d’interrogatoire était… étonnant. La femme Mabyn ne s’est pas défendue, n’a presque pas ouvert la bouche. Elle a elle-même réclamé la mort pour sa très grande et très impardonnable faute. Condamnée au bûcher, sa sentence a été promptement exécutée. Charon assistait au supplice et en est rentré bouleversé. Jamais la femme Mabyn n’a hurlé, ni ne s’est débattue lorsque les flammes l’ont prise d’assaut.

    Un brasier, un autre. Tant de bûchers. Celui qui avait consumé la dépouille de son père innocent. Celui dont Béatrice d’Antigny avait sauvé Igraine, quelque part en royaume d’Italie. Celui grâce auquel la même mage s’était libérée des entraves de leur monde.
    — Je vous vois soudain bien songeur, messire mire, commenta Louis d’Avre en entamant une part de tourte aux espinoches.
    — Cette femme, Mabyn, avait-elle de la parentèle ?
    — Pas que je sache. Ainsi que je vous l’ai conté, elle s’est murée dans le silence,

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