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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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avec une héritière des Habsbourg pour renouer avec la tradition monarchique de l'alliance avec Vienne.
    Le 21 novembre 1806, à Berlin, il décrète que les îles Britanniques sont en état de blocus. Et ce Blocus continental – interdiction à l'Angleterre de vendre ou d'importer, saisie de ses navires et des bâtiments qui commercent avec elle – contient le principe d'une guerre infinie, puisque, pour être efficace, la mesure doit s'appliquer à toute l'Europe, au besoin par la force.
    Réciproquement, l'Angleterre ne peut accepter l'existence de cet Empire continental qui menace sa suprématie commerciale et diplomatique.
    De même, les puissances monarchiques européennes – de plus en plus soutenues par une opinion qui découvre la nation, le patriotisme – ne peuvent admettre cet empereur qui chevauche la Révolution et diffuse un Code civil, un esprit des Lumières sapant l'autorité des souverains.

    La guerre est donc là, permanente, grande consommatrice d'hommes et de capitaux, modelant l'âme de la France, valorisant l'héroïsme, le « militaire » plutôt que le « marchand », « brutalisant » la France et l'Europe.
    C'est un engrenage où il faut non point de « l'humeur et des petites passions, mais des vues froides et conformes à sa position ».
    Dès lors, l'inspiration « révolutionnaire » de l'Empire napoléonien cède la place aux exigences géopolitiques. L'idée s'impose que l'on pourrait contrôler l'Europe continentale en la serrant entre les deux mâchoires d'une alliance franco-russe.
    Après Eylau et Friedland (1807), Napoléon rencontre le tsar Alexandre au milieu du Niémen et signe avec lui le traité de Tilsit (1807).
    Ainsi naît une « tradition » diplomatique liant Paris à Saint-Pétersbourg, fruit de l'illusion plus que de la réalité.

    Mais il faut aussitôt courir à l'autre bout de l'Europe parce que le Portugal est une brèche dans le Blocus continental, qu'il convient de refermer.
    Les troupes françaises s'enfoncent en Espagne, dont Lucien Bonaparte devient roi, mais le peuple espagnol se soulève.
    La France n'est plus la libératrice qui porte l'esprit des Lumières, mais fait figure d'Antéchrist.
    « De qui procède Napoléon ? interroge un catéchisme espagnol. De l'Enfer et du péché ! »
    Ainsi se retourne l'image de la France, nation tantôt admirée, tantôt haïe.
    Ce sont ses soldats, parfois des anciens de Valmy, devenus fusilleurs, que Goya peint dans Les Horreurs de la guerre .
    44.
    Cinq années encore – 1809-1814 –, et la course du météore Napoléon s'arrête.
    Les « alliés » – Russes, Autrichiens, Prussiens – entrent dans Paris. Le 31 mars, une foule parisienne – des royalistes – acclame le tsar Alexandre : « Vive Alexandre ! Vivent les Alliés ! » On embrasse ses bottes.
    Quelques jours plus tard, le 20 avril, après avoir abdiqué, Napoléon s'adresse à sa Garde.
    Les mots sonnent comme une tirade d'Edmond Rostand, ils s'inscrivent dans la mémoire collective, reproduits par des millions d'images d'Épinal montrant les grognards en larmes écoutant leur chef.
    Le météore s'est immobilisé, mais la légende s'amplifie, envahit l'âme de la France, répète les mots de l'Empereur :
    « Soldats de ma vieille Garde, je vous fais mes adieux. Depuis vingt ans, je vous ai trouvé constamment sur le chemin de l'honneur et de la gloire.
    « Avec des hommes tels que vous, notre cause n'était pas perdue, mais la guerre était interminable : c'eût été la guerre civile, et la France n'en serait devenue que plus malheureuse. J'ai donc sacrifié tous nos intérêts à ceux de notre patrie.
    « Je pars. Vous, mes amis, continuez à servir la France. Je voudrais vous presser tous sur mon cœur ; que j'embrasse au moins votre drapeau !
    « Adieu encore une fois, mes chers compagnons ! Que ce dernier baiser passe dans vos cœurs ! »

    Napoléon échappe ici à l'histoire pour entrer dans le mythe. Mais c'est l'histoire qui, au jour le jour de ces cinq dernières années, l'a vaincu.
    Pourtant, la légende est si puissante, si consolante, que l'âme de la nation aura de la peine à reconnaître que, contre la France, ce sont les peuples d'Europe qui se sont dressés.

    En Espagne, la guérilla ne cesse pas.
    Pour obtenir la reddition de Saragosse, « il a fallu conquérir la ville maison par maison, en se battant contre les hommes, les femmes et les enfants » (février 1809).
    En

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