L'âme de la France
(l'amiral Darlan) sont farouchement antianglais.
Le ressentiment vichyste est alimenté chaque jour par la présence à Londres du général de Gaulle, la reconnaissance par Churchill de la représentativité de cette « France libre » qui s'adresse par la radio au peuple français – « Ici Londres, des Français parlent aux Français » –, l'incitant à la résistance.
Il y a en effet des Français qui résistent et qui veulent exprimer et incarner les vertus propres à l'âme de la France.
Car le patriotisme d'une vieille nation survit au naufrage de la défaite. Il est si profondément ancré dans le cœur des citoyens qu'il est présent jusque chez ceux qui « collaborent » ou s'enrôlent dans la Milice ou dans la légion des volontaires français pour défendre – sous l'uniforme allemand – l'Europe contre le bolchevisme.
C'est un patriotisme « dévoyé », criminel, mais même chez un Joseph Darnand – chef de la Milice, héros des guerres de 14-18 et de 39-40 –, il est perceptible.
Et on peut en créditer, sans que cela leur tienne lieu de justification ou d'excuse, bien des serviteurs de l'État français qui côtoient cependant à Vichy des aigrefins, des cyniques, des ambitieux sordides, des politiciens aigris et ratés, voire des fanatiques, journalistes, écrivains, que la passion antisémite obsède.
Mais la pierre de touche du patriotisme véritable et rigoureux, c'est le refus de l'occupation du sol de la nation et l'engagement dans la lutte pour lui rendre indépendance et souveraineté.
Ce patriotisme-là, il ne se calcule pas, il est instinctif.
L'ennemi occupe la France, il faut l'en chasser. C'est nécessaire. Donc il faut engager le combat.
Dès juin 1940, de jeunes officiers (Messmer), des fonctionnaires (Jean Moulin), des anonymes, des chrétiens (Edmond Michelet), des philosophes (Cavaillès) refusent de cesser le combat, rejettent l'armistice. Ils gagnent Londres, puisque là-bas on continue la lutte.
Ils éditent des tracts, des journaux clandestins qui appellent à la résistance, et certains effectuent pour les Anglais des missions de renseignement.
Ainsi, la défaite fait coexister plusieurs France durant les deux premières années (1940-novembre 1942) de l'Occupation.
Il y a les départements qui échappent à toute autorité française : annexés à l'Allemagne, ou rattachés à la Belgique, ou constituant une zone interdite.
Il y a la zone occupée, de la frontière des Pyrénées à Chambéry en passant par Moulins.
Il y a la « zone libre », l'État français, dont la capitale est Vichy.
Et puis il y a la France libre de Charles de Gaulle, qui, à partir de juillet 1942, s'intitulera France combattante. Elle a commencé à rassembler autour d'elle la France de la Résistance intérieure.
De nombreux mouvements clandestins se sont en effet constitués : Combat, Libération, Franc-Tireur, Défense de la France.
À compter du 22 juin 1941, jour de l'attaque allemande contre l'URSS, les communistes se lancent enfin à leur tour dans la Résistance et en deviennent l'une des principales composantes, engageant leurs militants dans l'action armée – attentats, attaques de militaires allemands, etc.
Le STO, à partir de l'année 1943, provoquera la création de maquis, l'apparition d'une autre France, celle des réfractaires.
Mais les divisions idéologiques, les divergences portant sur les modes d'action, les rivalités personnelles ou de groupe, caractérisent aussi bien cette Résistance que la France libre, les zones occupées ou l'État de Vichy.
La défaite a encore aggravé la fragmentation politique, les oppositions, comme si la France était plus que jamais incapable de se rassembler, comme si la division, cette maladie endémique de l'histoire nationale, était devenue plus aiguë que jamais, symptôme de la gravité du traumatisme subi par la nation.
À Londres, de Gaulle ne regroupe durant les premiers mois que quelques milliers d'hommes. Et il y a déjà, au sein de la France libre, des « antigaullistes ».
Lorsqu'il tente la reconquête des colonies d'Afrique noire, les Français vichystes de Dakar font échouer l'entreprise (septembre-octobre 1940). Elle réussit en Afrique-Équatoriale avec Leclerc de Hauteclocque. Peu à peu se constituent des Forces françaises libres, qui compteront, en 1942, près de soixante-dix mille hommes.
Mais la « guerre civile » menace toujours : en Syrie, en 1941, les
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