L'âme de la France
soucieux de recouvrer leur influence – ne réalisent pas que la France ne regarde pas vers l'Atlantique, où Portugais, Espagnols et Italiens s'aventurent (1492 : Christophe Colomb aborde les terres américaines), et qu'ainsi le royaume de France ne participera pas à ce partage du monde – et de l'or ! Les souverains français préfèrent chevaucher en Italie, qui, émiettée, sans État, est cependant le grand pôle économique et financier de l'Europe avec les Flandres.
S'il ne peut être question de conquérir ces dernières, l'Italie, elle, semble facile à saisir.
C'est le mirage de la monarchie française. Pour le matérialiser, on veut avoir les mains libres.
On rend le Roussillon à Ferdinand d'Aragon, l'Artois et la Franche-Comté aux Habsbourg. Une « politique étrangère » française se dessine, où l'illusion, le souci de la gloire, l'emportent sur la raison. Et dans laquelle on sacrifie le gain sûr, réalisé, au rêve.
Charles VIII entre dans Naples en février 1495, vêtu du manteau impérial et de la couronne de Naples, de France, de Jérusalem et de Constantinople.
Car le roi de France entend aussi libérer ces deux dernières villes (Constantinople a été conquise en 1453 par les musulmans). Mais il lui faudra rebrousser chemin devant la coalition italienne qui se forme, et quitter l'Italie malgré la furia francese victorieuse à Fornoue (5 juillet 1495).
Mêmes difficultés pour Louis XII, qui se heurte à une Sainte Ligue animée par le pape Jules II, peu soucieux de voir le grand royaume de France dominer l'Italie.
De cette aventure italienne resteront le renforcement d'un courant d'hommes et d'idées, et l'influence dominante de la création artistique italienne dans le royaume de France.
D'un côté, les hommes d'armes (Charles VIII est entré en Italie à la tête de près de trente mille hommes) ; de l'autre, les peintres, les musiciens, les architectes, les théologiens, les philosophes, de Savonarole à Machiavel.
D'un côté le roi, de l'autre le pape.
Un lien ambigu est ainsi noué entre l'âme de la France et celle de l'Italie, qui, quelles que soient les circonstances – incompréhensions, rivalités, conflits –, ne sera jamais tranché.
C'est que les libres décisions des hommes sont orientées par des logiques enserrées dans des structures qui posent les termes d'une équation que, par leurs choix, les acteurs auront à résoudre ou à compliquer.
Le royaume de France n'a, en matière de politique extérieure, le choix qu'entre une expansion vers le nord-est (la Flandre, les Pays-Bas), l'est (au-delà du Rhin), le sud-est (l'Italie) et le sud (l'Espagne).
L'Italie est le seul territoire qui, par son morcellement et sa richesse, attire les convoitises. Et il en sera ainsi jusqu'à ce qu'il soit unifié.
À l'intérieur du royaume, le pouvoir royal est aussi confronté à des problèmes qui ne sont jamais définitivement résolus, puisqu'ils font partie de la nature même de la société française.
Que faire des grands ?
Les tuteurs de Charles VIII ont brisé leur « Guerre folle ». Et, comme Louis XI avant lui, comme Louis XII après lui, Charles VIII s'appuie sur des « roturiers », des « bourgeois » qui deviennent ses conseillers.
De même, comme Charles VII – qui avait, dans la Pragmatique sanction de Bourges, affirmé en 1438 la nécessaire obéissance du clergé français au roi de France et non au pape, sauf en matière théologique –, Charles VIII favorise l'indépendance du clergé français.
Reste le troisième ordre (après l'aristocratie et le clergé), représenté au sein des états généraux, qui reflètent l'ensemble de la nation.
Charles VIII réunit les états en 1484 et leur annonce... une réduction des impôts (de la taille).
Quant à Louis XII, il les assemble à Tours en 1506 pour leur faire rejeter le projet de mariage entre l'héritière du duché de Bretagne – sa fille Claude de France – et le petit-fils de Maximilien d'Autriche, Charles de Habsbourg... futur Charles Quint !
Quel roi de France et quels représentants des Français eussent accepté de voir le royaume pris en tenailles par les Habsbourg, écrasant l'Ile-de-France entre leurs possessions de l'Est et de l'Ouest ?
C'eût été retrouver, en pis, la situation qui avait donné naissance à la guerre de Cent Ans.
En 1514, Claude de France épouse François de Valois et apporte en dot le duché de
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