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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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de Law vont s'inscrire dans la longue durée de la mémoire nationale.
    La défiance à l'égard de l'État, des « élites » qui se sont enrichies, des affaires d'argent, en est renforcée.
    Elle se double d'un rejet du « papier-monnaie », d'un attachement aux pièces d'or ou d'argent – la livre-tournoi, dont le cours est stabilisé en 1726 et le restera pour près de deux siècles.
    La conviction s'enracine dans l'âme des Français que les « rentes » d'État ou les fermages, l'achat de terres ou d'immeubles, sont les seuls moyens de protéger sa fortune.
    Ainsi, le « modèle » marchand et l'aventure coloniale tels que les pratiquent les Hollandais et les Anglais n'entraîneront jamais la totalité des élites françaises dans un projet commun.
    Certes, l'économie, grâce à la circulation des billets de John Law, a été fouettée, le commerce du sucre, la traite négrière, se sont développés, de même que les villes portuaires : Bordeaux, Nantes, Lorient, et aussi, pour le commerce avec le Levant, Marseille. Mais le « système » – rente, usure, propriété foncière, achat d'« offices » – n'est pas modifié en profondeur.

    Quant à la crise financière, elle n'est pas réglée.
    La tentative du duc de Bourbon, principal ministre après la mort du duc d'Orléans en 1723, de créer un impôt du cinquantième – sur les revenus de tous les propriétaires – est rapidement abandonnée.
    La monarchie se révèle capable de formuler le diagnostic de sa maladie financière, mais est impuissante à appliquer les thérapies qu'elle élabore.
    Le mal et les remèdes sont identifiés, connus ; mais le régime est incapable d'entreprendre l'opération qui permettrait d'extirper la tumeur.
    D'autant que le pouvoir des parlementaires rend encore plus difficile l'action du roi.

    Cependant, une partie des élites – dans le gouvernement (ainsi le cardinal Dubois, chargé des Affaires étrangères jusqu'à sa mort en 1723) mais aussi dans les mondes juridique et littéraire – regarde les modèles anglais et hollandais avec attention, persuadée qu'il y a là une voie nouvelle pour l'organisation sociale et politique, économique et financière.

    C'est une des raisons qui expliquent le « retournement » de la politique extérieure du royaume.
    On s'allie avec l'Angleterre et la Hollande, puis avec le Habsbourg de Vienne (1717-1718), et l'on renonce ainsi au rôle d'arbitre ou à une posture impériale en Europe, au bénéfice d'une pacification des rapports avec la puissance britannique, différente mais alors en plein essor.
    Et on n'hésite pas, en 1719, à faire la guerre à l'Espagne où continue de régner le petit-fils de Louis XIV, Philippe V, pour lui imposer de se joindre à l'accord passé avec Londres !
    L'Angleterre est la référence et en même temps la vraie rivale.

    Ruiné par la banqueroute de Law, Marivaux imite les Anglais quand il veut créer un périodique.
    Et Voltaire, sortant de la Bastille, s'exile outre-Manche en 1726.
    Louis XV, qui, cette année-là, décide de gouverner avec son précepteur, le cardinal de Fleury, n'a encore que seize ans.
    Va-t-il, peut-il saisir l'avantage que lui donne la perspective d'un long règne ?
    31.
    Le temps n'a pas manqué à Louis XV.
    Lorsque le cardinal de Fleury, son ancien précepteur devenu en 1726 son principal ministre, meurt en 1743 à l'âge de quatre-vingt-neuf ans, le roi n'en a que trente-trois.
    Il règne sur un royaume taraudé par une crise financière permanente, mais qui connaît un vif essor économique.
    Fleury a gouverné prudemment. Des guerres, certes, mais qui n'épuisent pas le pays. Les blés sont abondants. Le grand commerce, actif. Les foires, prospères. L'administration du royaume – intendants, subdélégués, gouverneurs –, efficace. On trace des routes. On enquête pour connaître la réalité des fortunes, des récoltes, des revenus, le nombre des habitants. On en dénombre une vingtaine de millions, soit la population la plus importante d'Europe.
    Certes, les inégalités s'accroissent entre fermiers, coqs de village et manouvriers. Mais chacun se souvient du pire qu'ont connu ses aïeux : disette, famine, épidémies, peste, guerres civiles, soldatesque répandue comme une vermine sur les campagnes.
    L'ordre règne. L'armée est réorganisée. On crée des écoles militaires. On ouvre des classes pour apprendre à lire aux fils de paysans. La misère s'éloigne un peu des

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