L'âme de la France
Louis XIV
LIVRE III
L'ÉCLAT DES LUMIÈRES – L'IMPOSSIBLE RÉFORME
ET LA RÉVOLUTION ARMÉE
1715-1799
1
LOUIS XV
Le vent se lève
1715-1774
30.
1715 : on entre dans un nouveau siècle.
C'est le temps des salons parisiens et non plus celui de la chapelle et des confessionnaux de Versailles.
On loue en Louis XIV « cette fermeté d'âme, cette égalité extérieure, cette espérance contre toute espérance, par courage, par sagesse et non par aveuglement », mais, après avoir ainsi salué le monarque défunt, édenté et dévot, Saint-Simon, l'ami et porte-parole du Régent Philippe d'Orléans, le pousse à rompre et à oublier le vieux roi qui s'était prolongé en ce xviii e siècle et qu'on ne supportait plus.
On veut participer aux fêtes du Régent, pétillantes et libertines.
On veut tomber le masque. On rejette les bigoteries et les jésuites.
Les élites françaises – princes du sang, haute noblesse – désirent à la fois retrouver leur pouvoir et leur influence, contenus par l'absolutisme de Louis XIV, et se mêler aux beaux esprits, aux jeux de l'amour et de la pensée.
En 1715, Marivaux a déjà vingt-sept ans, Montesquieu, vingt-six, Voltaire, vingt et un.
Philippe d'Orléans, homme de tous les talents, brillant et beau, libertin mais conscient de ses devoirs, incarne cette dizaine d'années de régence. Il meurt en 1723, l'année de la majorité de Louis XV, et le duc de Bourbon lui succède jusqu'en 1726 – cette année-là, le roi, assisté du cardinal Fleury, gouverne.
La décennie de la Régence est, après le long hiver du Grand Roi, une période de retournement et de créativité qui marque l'âme et la mémoire de la France.
Louis XIV a tenté de prolonger son règne au-delà de sa propre mort. Le conseil de régence doit tenir en tutelle ce neveu, Philippe d'Orléans, dont il s'est toujours méfié : trop beau, trop talentueux, donc trop ambitieux, trop dangereux pour un monarque absolutiste.
Avant de mourir, Louis XIV a fait de ses deux bâtards légitimés – les fils de madame de Montespan –, le duc du Maine et le comte de Toulouse, des princes du sang ayant le droit de succéder à leur père. Pis : le duc du Maine a été désigné par Louis XIV pour prendre en main l'éducation de Louis XV.
Le Régent veut le pouvoir. Il fait casser le testament de Louis XIV par le parlement de Paris, auquel il rend en échange son droit de remontrance ; il fait de même pour toutes les cours souveraines.
Ainsi les parlementaires, écartés du jeu par la monarchie absolutiste, retrouvent-ils leur pouvoir de contrôle, de contestation, d'opposition.
Défaite posthume de Louis XIV et de la volonté absolutiste qui, depuis la dernière convocation des états généraux, en 1614 – il y a alors un siècle –, l'avait emporté. Le Parlement et les cours souveraines se présentent à nouveau comme le « corps » de la nation.
Imposture, puisque les parlementaires sont propriétaires de leurs charges héréditaires, qu'ils représentent un groupe social puissant qui peut certes s'attribuer le rôle de « défenseur » du peuple, mais qui est partie prenante dans la caste des privilégiés. Cependant, en réintroduisant les parlements dans le jeu politique comme acteurs influents, le Régent veut aussi faire contrepoids aux princes, à la haute noblesse, à laquelle – dans sa lutte contre les bâtards de Louis XIV – il a sacrifié le gouvernement ministériel, celui de « la vile bourgeoisie », instrument de l'absolutisme royal.
Durant trois années (1715-1718), huit Conseils – de conscience, des finances, de justice, etc. – peuplés par la haute noblesse gouvernent en lieu et place des descendants des familles ministérielles, les Colbert, les Louvois, les Pontchartrain, etc.
Cette « polysynodie » est une réaction aristocratique à la pratique de Louis XIV. Elle tente de mettre sur pied un autre mode de gouvernement, mais l'incompétence, la futilité de cette haute noblesse, ses rivalités, tout comme le désir du Régent de gouverner lui-même, mettent fin à cette expérience qui avait aussi un but tactique : permettre à Philippe d'Orléans de s'imposer en rassemblant autour de lui les princes contre les bâtards de Louis XIV et contre les parlementaires, auxquels on a rendu leurs pouvoirs.
Cet exercice d'équilibre, qui se termine par la création de secrétariats à la Guerre, aux Affaires étrangères (pour le
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