L'âme de la France
royaume puissant que Frédéric II a doté d'une remarquable armée. La France s'allie à lui dans un premier temps contre l'Angleterre, la Hollande, la Russie, qui soutiennent Marie-Thérèse d'Autriche et ses ambitions impériales.
Les Français entrent dans Prague, remportent le 11 mai 1745 la bataille de Fontenoy contre les Anglo-Hollandais. Mais, à la paix d'Aix-la-Chapelle, Louis XV renonce à ses conquêtes : « Nous ne faisons pas la guerre en marchand, mais en roi. »
Il a, en fait, « travaillé pour le roi de Prusse » alors que, durant cette guerre inutile, s'est profilé le concurrent principal : l'Angleterre.
Cette rivalité avec Londres est « atlantique », « moderne », lourde d'avenir, puisqu'elle a pour enjeu le contrôle des colonies américaines, des Antilles, des comptoirs des Indes.
Elle supposerait soit qu'on passe un accord avec l'Angleterre – une bonne entente ne prévaut-elle pas depuis vingt ans ? –, soit, si on choisit la guerre, que la France réoriente ses efforts vers la constitution d'une puissante marine et d'une économie ouverte, structurée par de grandes compagnies marchandes.
Mais la fortune française est « rentière », foncière. Et Paris poursuit son rêve de dominer le continent, d'arbitrer les conflits européens.
Dès lors, autour du roi, les « conservateurs » choisissent l'alliance avec Vienne au traité de Versailles de 1756.
C'est là un véritable renversement d'alliance.
Or cette nouvelle orientation est pleine de contradictions. Le parti philosophique admire l'Angleterre – l'adversaire –, ses institutions, ses mœurs. Il est fasciné par Frédéric II, le souverain philosophe, alors que la Prusse est l'ennemie de Vienne.
Ainsi, alors que commence en 1756 une nouvelle guerre, celle-ci franco-anglaise, le royaume de France est parcouru de courants contradictoires.
Le roi n'est plus Louis le Bien-Aimé. Et Voltaire, en brossant l'histoire du Siècle de Louis XIV , fait à sa manière une critique de celui de Louis XV : le Roi-Soleil, majestueux, était implacable mais glorieux. Louis XV est un souverain de cinquante-sept ans qui n'inspire plus la ferveur quasi religieuse qu'on doit à celui que Dieu a sacré.
Le geste de Robert François Damiens, le 5 janvier 1757, même s'il n'inflige qu'une blessure légère au souverain, frappe durement le principe de la monarchie absolue.
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Louis XV va encore régner dix-sept ans.
Le temps ne lui est donc pas compté. Mais son gouvernement personnel est déjà vieux de trente et une années. Et l'on s'est lassé de ce roi dont les pamphlets affirment qu'il ne s'intéresse qu'à la chasse et aux dames.
Certes, l'économie est prospère, le commerce, actif, les récoltes, abondantes, car l'embellie climatique se poursuit et les « physiocrates » élaborent les premiers rudiments d'une science des échanges, une réflexion sur l'économie.
En juin 1763 est même autorisée la libre circulation des grains.
Cependant, le monarque n'est ni vénéré ni respecté.
On est impitoyable avec sa maîtresse, la comtesse Du Barry, auquel le banquier de la Cour remet 300 000 livres par mois.
On serait indulgent pour la débauche de luxe qui entoure la favorite si le roi n'apparaissait pas seulement comme l'homme des plaisirs, mais comme un souverain attentif au sort de son royaume, homme au-dessus des autres hommes, incarnation de la majesté et de la gloire.
Or la guerre contre l'Angleterre et la Prusse est une succession humiliante de désastres.
Elle blesse le sentiment national.
En 1757, à Rossbach, Soubise cherche son armée franco-autrichienne défaite par les Prussiens. Et toute l'Europe salue le roi Frédéric II, constructeur d'une nation puissante, modèle d'administration, qui change la donne sur le continent.
Le parti philosophique loue le prince éclairé et conteste l'alliance française avec l'Autriche.
Le pacte de famille conclu entre Louis XV et les Bourbons de Madrid et de Naples ne peut changer l'équilibre des forces.
Les colonies tombent les unes après les autres : le Canada est perdu, Montréal capitule (1759-1760), Pondichéry connaît le même sort en 1761.
Le 10 février 1763, le traité de Paris dépouille la France de l'essentiel de ses possessions d'outre-mer.
Comment faire face à cette humiliante défaite infligée par ceux qu'on admire, Anglais, Prussiens, les « modernes », alors qu'on a pour alliée cette Autriche
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