L'âme de la France
sont l'expression.
Ainsi se dessine une caractéristique majeure de l'histoire française : le parti philosophique devient un pouvoir intellectuel qui intervient dans l'arène politique.
Ces philosophes, ces écrivains transmettent l'exemple d'une monarchie contrôlée telle qu'elle existe en Angleterre. Voltaire est le propagateur de ce modèle. Rousseau s'interroge sur l'origine de l'inégalité. L' Encyclopédie – dont le pouvoir se voit contraint de tolérer la diffusion – examine dans un esprit laïque tous les sujets.
La diffusion de cet « esprit des Lumières » imprègne toutes les élites.
Le débat intellectuel, la polémique, deviennent un des traits significatifs de la vie parisienne, des théâtres aux salons.
On discute, on conteste. Plus rien ne va de soi.
Une idéologie nouvelle aux multiples nuances se constitue. Les divergences et les polémiques qui la caractérisent – entre Voltaire et Rousseau, il y a un fossé – n'empêchent pas qu'elle porte une critique radicale de la monarchie absolue et qu'elle exprime, avec Montesquieu, un « libéralisme » politique, une idée de l'équilibre et de la limitation des pouvoirs qui s'inscrit à contre-courant de l'évolution du régime en place.
Cette influence des « philosophes » au cœur du xviii e siècle donne ainsi naissance à une spécificité nationale, à une orientation singulière de l'âme de la France.
Le parti philosophique pèse d'autant plus que sa contestation de la monarchie absolue rencontre celle que, pour des raisons différentes, conduisent les parlementaires.
Ces privilégiés auxquels le Régent a rendu leur pouvoir de remontrance contestent la plupart des décisions de la monarchie.
Quel que soit le sujet – création d'un impôt du vingtième sur tous les revenus (1749) ou bien problèmes posés au clergé français par la bulle pontificale Unigenitus –, les parlementaires se dressent contre le pouvoir royal en affirmant qu'ils représentent les corps intermédiaires, là où se conjoignent l'autorité souveraine et la confiance des sujets. Qu'en somme rien ne peut se faire sans leur approbation.
Les « lits de justice » – ces manifestations de l'autorité royale censées imposer sa décision – sont inopérants.
Les parlementaires se mettent en grève. Le pouvoir les exile hors de Paris, à Pontoise en 1752. Mais les cours souveraines de province relaient le parlement de Paris empêché.
Contre les évêques décidés à suivre le pape et donc à reconnaître l'autorité de la bulle Unigenitus contre les jansénistes, les « convulsionnaires », les parlementaires se présentent comme les défenseurs des traditions gallicanes, alors que le roi choisit pour sa part de soutenir les décisions pontificales.
Une véritable opposition frontale – à propos des sacrements refusés aux mourants qui ne disposent pas d'un billet de confession signé par un prêtre favorable à la bulle Unigenitus – se manifeste ainsi entre les parlements et le pouvoir royal.
C'est bien l'ancienne querelle sur la question de la monarchie absolue qui se rejoue à propos du gallicanisme, celui-ci n'étant qu'un prétexte, mais dans un contexte nouveau déterminé par l'esprit des Lumières.
S'il y a désaccord profond entre les parlementaires et les philosophes, ils se retrouvent côte à côte contre la monarchie absolue.
Et Louis XV cède.
Le pouvoir monarchique est ainsi atteint alors que le pays voit non sans inquiétude les guerres succéder aux guerres.
Elles ne pèsent pas encore sur la vie du royaume – rien qui rappelle le « grand hiver » de 1709 –, mais on n'en comprend pas les mobiles. Elles sont décidées hors du Conseil, dans le « secret du roi ». Elles apparaissent plus dynastiques que nationales. Encore et toujours, il faut les financer.
La première, la guerre pour la succession de Pologne, contre l'Autriche qui réussit à imposer son candidat en empêchant le retour du beau-père de Louis XV, se solde au traité de Vienne (1738) par la promesse qu'à la mort de Stanislas Leszczynski la Lorraine, qu'on lui a attribuée en compensation, reviendra à la France.
On mesure à cette occasion, puis surtout à propos de la succession d'Autriche – à la mort de l'empereur, sa fille Marie-Thérèse lui succède, mais la France conteste qu'elle puisse être élue au trône impérial –, que la situation a profondément changé en Europe.
La Prusse est devenue un
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