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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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nouvelle de la monarchie. Le monarque est atteint de la petite vérole, son visage se couvre de croûtes ; méconnaissable, il exhale une odeur fétide.
    Son confesseur a beau murmurer : « Messieurs, le roi m'ordonne de vous dire que s'il a causé du scandale à ses peuples, il leur en demande pardon », le peuple ne pardonne pas.
    En 1744, alors que le souverain était tombé malade à Metz, six mille messes avaient été célébrées pour le salut de Louis le Bien-Aimé. Trente ans plus tard, on n'en compte plus que trois.
    Et après la mort du roi, le 10 mai 1774, le cortège qui conduit la dépouille de Versailles à Saint-Denis n'est accompagné dans la nuit que par des gardes et quelques domestiques.
    Se souvenant des passions du défunt, certains, parmi ceux qui voient passer le cortège, lancent : « Taïaut ! Taïaut ! » et : « Voilà le plaisir des dames ! Voilà le plaisir ! »

    C'est un roi de vingt ans, Louis XVI, qui doit assumer le périlleux héritage.

2
    L'IMPUISSANCE DU ROI
    1774-1792
    33.
    Il va suffire de dix-neuf ans pour que Louis XVI, accueilli avec enthousiasme et espérance en mai 1774 par le peuple de Paris, gravisse, le 21 janvier 1793, les marches de l'échafaud et que sa tête tranchée soit montrée par le bourreau au peuple fasciné, rassemblé sur la place de la Révolution.
    Événement majeur, fondateur d'une nouvelle période de l'histoire nationale.
    L'exécution du roi est une rupture symbolique avec la monarchie, mais qui, cependant, plonge ses racines profond dans le passé.
    C'est un orage dévastateur et créateur qui n'a pas surgi d'un coup dans un ciel serein.
    On l'a vu s'avancer, on a craint sa venue, sans jamais imaginer sa violence destructrice.
    On a voulu le tenir à distance, résoudre les problèmes qui le nourrissaient, mais sans y parvenir.
    Et, de ce fait, il est apparu à certains comme une fatalité, une punition divine, voire comme le résultat d'un complot dont on s'est mis à rechercher bien en amont les prémices : l'une des causes en aurait été l'expulsion des Jésuites, en 1764, ou encore les agissements du parti philosophique et des sociétés de pensée conjoignant leurs efforts pour saper les fondements de la monarchie.
    En fait, l'orage n'est puissant et sa venue inéluctable que parce que la monarchie est aboulique, qu'elle n'ose affronter les forces qui sont liées à elles et qui l'épuisent comme les sangsues vident un corps de son énergie.
    C'est dès les premiers mois du règne de Louis XVI, roi si bien accepté qu'on l'appelle Louis le Bienfaisant et qu'on s'entiche de sa jeune épouse Marie-Antoinette, qu'on voit ce pouvoir capituler.
    Les « réformateurs », le chancelier Maupeou et le contrôleur général des finances Terray, qui ont privé les parlements de leurs privilèges et de leurs exorbitantes prétentions politiques, sont renvoyés.
    Dès le 12 novembre 1774, le nouveau contrôleur des finances, Turgot, rétablit les parlements dans leurs fonctions et leur rend leurs prérogatives. Dès lors, ce réformateur, avant même d'avoir agi, est affaibli.
    Il veut rétablir la libre circulation des grains, sur laquelle Terray était revenu. Mais les récoltes sont mauvaises, la spéculation fait monter le prix du blé. Les émeutes se multiplient, parce que le pain est devenu rare et cher. C'est la « guerre des farines ». Et quand Turgot veut supprimer les corvées et les corporations afin de modifier le système fiscal et de libérer le travail, le Parlement proteste.
    Un « front » se constitue ainsi entre les parlementaires, qui ne sont que des privilégiés, et le « peuple » misérable. La réforme n'a plus que le roi pour soutien.
    Or la Cour elle-même est divisée.
    Le duc d'Orléans est un « opposant » riche et ambitieux. Les frères du roi, le comte de Provence (futur Louis XVIII) et le comte d'Artois (futur Charles X), la jeune reine, sont hostiles aux réformes qui mettent en cause les privilèges fiscaux, les statuts immuables qui sont, dans le domaine du travail (les corporations), autant de formes de privilèges.
    Turgot est renvoyé le 12 mai 1776 ; la corvée et les corporations, rétablies dès le mois d'août.

    Ainsi, la réforme amorcée sous Louis XV est effacée, et la monarchie révèle son impuissance à l'imposer.
    D'abord parce qu'il y faudrait un grand roi mû par une volonté inflexible, capable de domestiquer son entourage – à la manière d'un

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