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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Voltaire – qui ne remettent pas en cause l'organisation sociale, et ceux – tel Rousseau – qui condamnent l'« inégalité ».
    Radicale, cette pensée se répand aussi dans la société, enflamme les esprits, isole davantage encore le pouvoir monarchique, dont le mode de vie, naguère accepté comme naturel et légitime, devient une manifestation de l'injustice :
    « Le goût du faste ne s'associe guère dans les mêmes âmes avec celui de l'honnête, écrit Rousseau. Non, il n'est pas possible que des esprits dégradés par une multitude de soins futiles s'élèvent jamais à rien de grand, et quand ils en auraient la force, le courage leur manquerait. »
    Plus critique encore, cette dénonciation du luxe comme cause de la pauvreté : « Le luxe nourrit cent pauvres de nos villes et en fait périr cent mille dans nos campagnes... Il faut des jus dans nos cuisines ; voilà pourquoi tant de malades manquent de bouillon. Il faut des liqueurs sur nos tables ; voilà pourquoi le paysan ne boit que de l'eau. Il faut de la poudre à nos perruques ; voilà pourquoi tant de paysans n'ont pas de pain. »

    Critiqué, dénoncé, accusé, méprisé, le pouvoir royal, affaibli et isolé, est contesté par les parlementaires, ces « Grandes Robes » privilégiées qui prétendent défendre les sujets du royaume alors que, propriétaires de leurs charges, ils se soucient d'abord et avant tout des intérêts de leur caste.
    Le roi, dont ils sont fondamentalement solidaires, est cependant leur adversaire. Ils réclament la convocation des états généraux. Ils se mettent en « grève ». Ils décident – contre lui – l'expulsion des Jésuites en 1764. Ils contestent toute remise en cause des privilèges fiscaux. Et, pour donner plus de force à leurs prises de position, ils organisent la concertation du parlement de Paris avec ses homologues provinciaux.

    Ce sont là deux conceptions de la monarchie qui s'opposent. En mars 1766, dans un lit de justice, la « séance de la flagellation », Louis XV rappelle que les cours souveraines ne forment pas un seul corps, mais qu'elles tiennent leur autorité du roi :
    « C'est en ma personne seule que réside la puissance souveraine, déclare Louis XV. C'est à moi seul qu'appartient le pouvoir législatif, sans dépendance et sans partage. L'ordre public tout entier émane de moi, et les droits et les intérêts de la nation, dont on ose faire un corps séparé du monarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu'en mes mains. »

    Il y a ainsi forte contradiction entre le roi et les parlementaires, en même temps qu'une complicité de fait.
    Quand le parlement de Paris a à juger le chevalier de La Barre, en 1766, il le condamne à mort pour marquer qu'en dépit de sa décision d'expulser les Jésuites il ne protège pas l'impiété ni le parti philosophique – n'a-t-on pas trouvé chez La Barre un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire ? –, mais sait se ranger à l'avis du roi, hostile à la grâce du jeune homme.
    Mais les parlementaires et le souverain, complices, perdent aux yeux de l'opinion toute autorité morale.
    Ces Grandes Robes « font périr dans les plus terribles supplices des enfants de seize ans ! » s'écrie Voltaire.
    Diderot ajoute : « La bête féroce a trempé sa langue dans le sang humain, elle ne peut plus s'en passer, et n'ayant plus de jésuites à manger, elle va se jeter sur les philosophes ! »

    Quand, en 1771, le nouveau chancelier et garde des Sceaux, Maupeou, et l'abbé Terray, contrôleur général des finances, décident, devant l'attitude des parlements, de faire un « coup de majesté », autrement dit d'arrêter les parlementaires, de restreindre la juridiction du parlement de Paris, de mettre fin à la vénalité des offices et de la justice, de nommer dans les cours souveraines des « fonctionnaires » au service du roi, Voltaire soutient ce qui constitue à ses yeux une mesure révolutionnaire, une tentative de la monarchie de réaffirmer ses pouvoirs contre le « féodalisme » des Grandes Robes.
    Mais d'autres écrivains – tel Beaumarchais – défendent les parlementaires et entraînent derrière eux l'opinion, tant le rejet de la monarchie absolue est devenu grand.
    La réforme vient trop tard.
    La monarchie est déjà trop affaiblie pour la mettre à exécution !

    La maladie du roi, en avril-mai 1774, illustre de manière tragique cette situation

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