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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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premiers mois de 1789, c'est l'effervescence.
    « Dans tous les coins de Paris il y avait des réunions littéraires, des sociétés politiques et des spectacles, les renommées futures étaient dans la foule sans être connues », écrit encore Chateaubriand.
    Jamais, à aucun moment de son histoire, la France n'a connu – ni ne connaîtra – une telle multitude de débats dans des assemblées électorales, des réunions tenues dans les plus petits villages, avec la participation du plus grand nombre. Il suffit, pour avoir le droit de suffrage, d'avoir vingt-cinq ans et d'être inscrit sur le rôle des contributions.
    Chacun s'exprime, participe à l'élaboration des Cahiers de doléances, ou bien approuve et recopie ceux que font circuler les sociétés de pensée, le parti des patriotes.
    Des journaux se créent chaque jour, des libelles et des pamphlets sont imprimés (plus de cent par mois en 1788, davantage en 1789). On peut y lire : « Point d'ordres privilégiés, plus de parlement, la Nation et le Roi ! » Le paysan revendique la propriété de la terre, l'égalité, la juste répartition des impôts, la fin de la misère.

    Ce débat qui s'étend à toutes les classes de la société, cette liberté de parler, de tout dire, de tout revendiquer, cette exigence d'égalité, cette fraternité, le recours à l'élection pour désigner les délégués aux états généraux qui vont « représenter » leurs électeurs, marquent en quelques mois, de façon définitive, l'âme de la France.
    C'est comme si la tradition du débat, confinée dans les parlements, les cours souveraines, les assemblées de notables, les états généraux eux-mêmes, s'était étendue à tout le territoire national, au peuple entier.
    La réforme démocratique, le droit universel au suffrage, la prise de parole, l'égalité entre tous les intervenants, se dessinent en ce printemps 1789.
    Moment capital dans l'histoire nationale : « L'esprit de la révolution qui agitait les bourgeois des villes, écrira Tocqueville, se précipita aussitôt par mille canaux dans cette population agricole ainsi remuée à la fois dans toutes ses parties et ouverte à toutes les impressions du dehors, et pénétra jusqu'au fond... Mais tout ce qui était théorie générale et abstraite dans l'esprit des classes moyennes prit ici des formes arrêtées et précises. Là, on se préoccupa surtout de ses droits ; ici, de ses besoins. »

    Car la misère et la faim sont là, aggravées par la crise des subsistances, la hausse du prix du pain.
    Le salaire d'un ouvrier (quinze sous par jour) lui permet seulement d'acheter du pain pour sa famille.
    Dès lors, en même temps que surgit une démocratie, la violence sociale ensanglante ce printemps et cet été.
    Les paysans attaquent les châteaux. Ils arrêtent, pillent des convois de grain.
    À Paris, les 27 et 28 avril 1789, dans le faubourg Saint-Antoine, des milliers d'ouvriers des manufactures, toute une foule, assiègent les fabriques de papier peint appartenant à un riche membre du tiers état, Réveillon. On brûle son effigie en place de Grève. On pille sa maison. L'armée intervient. On dénombre au moins 300 morts et des milliers de blessés.

    Ainsi s'affirme une caractéristique française : la conjonction entre le débat politique, la pratique – naissante – de la démocratie électorale, et les question sociales posées par et dans l'émeute, à Paris mais aussi dans les campagnes.
    À côté du tiers état – aucun paysan, aucun artisan parmi les délégués, mais 300 avocats ou juristes, des hommes d'affaires, etc. – existe un quart état, celui des « infortunés ».
    Les liens ou les ruptures entre ces deux réalités sociales, leur alliance ou leur guerre, vont donner un visage nouveau à l'histoire nationale.
    Il se dessine dès ce printemps 1789.

    L'existence à l'arrière-plan de ce quart état – le peuple des pauvres, manouvriers et brassiers, paysans ne disposant que d'un petit lopin, ouvriers, artisans, infortunés des villes – amplifie la force du tiers état.
    « Qu'est-ce que le tiers état ? interroge Sieyès. Tout. Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose. »
    Ce « quelque chose », imprécis et modeste au mois de janvier 1789, devient en quelques semaines – de la réunion des états généraux, le 5 mai, à Versailles, au 23 juin, quand les députés du tiers

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