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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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élus ceux qui disposent de plus encore de biens.
    Démocratie limitée, égalité bornée : la devise de ce monde nouveau est « Liberté, égalité, propriété ».

    L'expérience de la nation, au terme de cet été 1789, est donc complexe. Le peuple a fait l'apprentissage de la démocratie politique ; il sait qu'il pèse, que les luttes qu'il mène peuvent être fructueuses, mais, en même temps, ses victoires sont bornées.
    Il a des droits, mais il a faim.
    Il voit, il éprouve l'existence d'une fracture entre lui, le déguenillé, le quart état, et le tiers état des citoyens actifs qui, payant l'impôt, sont les vrais acteurs du jeu politique institutionnel – vote, élections, décisions.

    Et comme la faim perdure, qu'on craint la répression organisée par le roi et la reine, toujours en leur château, arborant au cours d'un banquet la cocarde noire avec des officiers du régiment de Flandre, on marche sur Versailles, les 5 et 6 octobre. Il y a là des milliers de femmes. On force les grilles. On pénètre dans les appartements de la reine. On tue les gardes du corps, on brandit leurs têtes. On ramène à Paris « le boulanger, la boulangère et le petit mitron ».

    Victoire de la violence, révolution qui s'amplifie au lieu de s'atténuer.
    On veut masquer cette réalité. Le maire de Paris parle d'un « peuple humain, respectueux et fidèle, qui vient de conquérir son roi ».
    Et Louis XVI se déclare « fort touché et fort content », affirmant qu'il est venu à Paris « de son plein gré ».
    « Indignes faussetés de la violence et de la peur qui déshonoraient alors tous les partis et tous les hommes. Louis XVI n'était pas faux, il était faible ; la faiblesse n'est pas la fausseté, mais elle en tient lieu et elle en remplit les fonctions » (Chateaubriand).
    En fait, on soupçonne – ou on accuse – le roi, et surtout la reine et le parti des aristocrates, de préparer avec la complicité de l'étranger – Marie-Antoinette n'est-elle pas « l'Autrichienne » ? – cette « Saint-Barthélemy des patriotes » qui leur permettrait de rétablir leur pouvoir absolu.
    On souhaiterait qu'il n'en soit pas ainsi, et l'opinion oscille entre l'espérance d'une « fraternité », d'une « union » autour du roi, et la crainte d'une trahison. Dans les clubs – les Jacobins, les Feuillants –, dans les « sections » électorales, chez les « sans-culottes », on surveille avec plus ou moins de suspicion le parti de la Cour.

    Il y a donc un double mouvement :
    Il conduit d'une part à l'organisation de la fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, où 100 000 personnes rassemblées sur le Champ-de-Mars prêtent serment à la Constitution. Des pancartes répètent aux citoyens : « La Nation, c'est vous ; la Loi, c'est vous ; le Roi en est le gardien ». C'est la mise en place d'une monarchie constitutionnelle où le roi de France n'est plus que le « roi des Français », où ce qui le sacre n'est plus l'onction de Reims, mais le choix du peuple de par la Constitution. Et Louis XVI paraît accepter ce régime qui met fin à la monarchie absolue : « Moi, roi de France, dit-il, je jure à la Nation d'employer tout le pouvoir qui m'est délégué par la loi constitutionnelle de l'État à maintenir la Constitution et à faire exécuter les lois. »
    Mais, d'autre part, on soupçonne le roi et le parti des aristocrates de ne pas accepter la nationalisation des biens du clergé – décidée le 17 avril 1790 pour garantir la monnaie des assignats créée en décembre 1789 –, puis la Constitution civile du clergé, qui fait de celui-ci un « corps de l'État » et exige des fonctionnaires qu'ils prêtent serment d'accepter cette mesure « gallicane » que le pape, pour sa part, condamne (13 avril 1791).

    Ainsi les choix politiques deviennent-ils aussi, de par cette Constitution civile du clergé, des choix religieux.
    Et la « politique » renvoie dès lors aux passions des guerres de religion.
    Il ne s'agit plus seulement de monarchie constitutionnelle ou de monarchie absolue, mais de fidélité au pape ou de rejet de son autorité.
    On est prêtre jureur ou prêtre réfractaire.
    Et, le 17 avril 1791, la foule empêche Louis XVI de se rendre au château de Saint-Cloud où il doit entendre une messe célébrée par un prêtre réfractaire.

    Parce que le sacre du roi de France en fait le représentant de Dieu sur la terre du

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