L'âme de la France
consensuel de partis qui s'opposent en se respectant. Elle n'est pas enfantée par des débats parlementaires dans le cadre d'une assemblée.
La Convention entérine et traduit le rapport des forces sur le champ de bataille.
Les soldats criaient : « Vive la Nation ! » Cela devient : « Vive la République ! »
Après Valmy, il y aura Jemappes – le 6 novembre 1792 –, l'invasion, l'occupation, l'annexion de la Belgique.
La République est conquérante.
Elle se veut libératrice. Elle annexe les royaumes, les villes, les principautés, pour le bien des peuples. Elle est le germe d'une « Grande Nation ».
Elle apporte « secours et fraternité à tous les peuples qui veulent recouvrer la liberté ». Et la Convention « charge le pouvoir exécutif de donner aux généraux les ordres nécessaires pour porter secours et défendre les citoyens qui auraient été vexés et pourraient l'être pour la cause de la liberté ».
Voici venu le temps des « missionnaires armés » et celui des coalitions antifrançaises qui vont – de 1793 à 1815 – rassembler, au gré des circonstances, l'Angleterre – qui ne saurait tolérer un Anvers français –, l'Autriche, la Hollande, la Prusse, l'Espagne, la Russie, Naples, la Sardaigne...
La République vit sous la menace. L'armée est son glaive et son bouclier.
Mais la guerre n'est pas qu'aux frontières.
Parce qu'il faut une levée en masse pour constituer une armée immense – 400 000 volontaires, 700 000 soldats –, il faut des réquisitions, des fournitures – vivres, armes, uniformes, etc. –, et l'assignat s'effondre. Tandis que les « munitionnaires » font fortune, les paysans se rebiffent contre cet impôt du sang.
Il faut tenir, sévir. La terreur est l'envers de la guerre. Soixante départements – sur quatre-vingt-trois – seront bientôt en insurrection.
La République une et indivisible crée, en même temps qu'elle unifie, le sillon qui divise la nation.
L'âme de la France est ainsi couturée par ces cicatrices sanglantes qui défigurent le pays, en ces années cruciales 1793-1794, et le marquent aussi profondément que des siècles de monarchie.
Il y a la division entre républicains au sein de la Convention.
Les Jacobins « montagnards » – ils siègent en haut de l'Assemblée – sont centralisateurs comme l'étaient – car, sous la rupture, les continuités s'affirment – Richelieu et Louis XIV.
En face, les Girondins sont fédéralistes, veulent réduire « Paris à un quatre-vingt-troisième d'influence ».
Mais la guerre exige – techniquement, mentalement – que la nation se plie à la discipline unique qui s'impose à toute armée. Et les défaites (Neerwinden en mars 1793), les trahisons (Dumouriez passe à l'ennemi), les insurrections (en Vendée, à Lyon, en Provence, où les royalistes livrent Toulon aux Anglais), condamnent en juin 1793 les Girondins – arrêtés, jugés, décapités.
Dès les origines, la République a ainsi deux visages : le jacobin s'oppose au girondin.
Cette division perdurera, rejouant la scène sans fin sous des noms différents, avec plus ou moins de violence : Parisiens contre provinciaux « décentralisateurs », républicains autoritaires contre républicains démocrates.
En fait, cette fracture entre républicains est d'autant plus nette qu'elle se superpose à d'autres divisions, et qu'ainsi, malgré l'affirmation réitérée de République une et indivisible , la France, pays toujours menacé de tensions et de déchirements, reste aussi émiettée qu'elle l'a souvent été.
D'un côté, on retrouve ceux qui veulent ouvrir le procès du roi afin de le condamner, de l'exécuter. De l'autre se regroupent les modérés, les attentistes qui craignent une division radicale entre la France ancienne et la nouvelle.
Mais la guerre est là. Les royalistes sont à Toulon, à Lyon, à Nantes, aux côtés des armées ennemies.
Le procès du monarque est un des aspects de la guerre. La Convention l'ouvre dès novembre 1792. « L'élimination du roi est une mesure de salut public, une providence nationale », dit Robespierre.
« Tout roi est un rebelle et un usurpateur, ajoute Saint-Just. Louis est un étranger parmi nous. On ne peut régner innocemment, la folie en est trop évidente. »
La mort est votée par 361 voix contre 360. Louis Capet sera exécuté le 21 janvier 1793, et sa tête montrée, sanglante, au peuple
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