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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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rassemblé.

    Cette mort de Louis XVI laisse un vide béant au cœur de l'histoire nationale.
    Plus d'un millénaire d'acceptation, de respect, de vénération, d'obéissance à l'égard de ce roi sacré, thaumaturge, représentant de Dieu sur terre, unissant la France à l'Église et au divin, se trouve ainsi tranché net.
    La France, nation mystique et politique, en est profondément divisée et blessée.
    Et alors que les rébellions armées – en Vendée notamment – se prolongent, s'amplifient, que l'élan patriotique est nécessaire pour repousser l'ennemi aux frontières, il ne faut pas que soit entendue la voix de Louis XVI qui, sur l'échafaud, crie, dans les roulements des tambours : « Français, je meurs innocent, je pardonne à mes ennemis, je souhaite que ma mort soit utile au peuple ! Je remets mon âme à Dieu. »
    On a besoin d'une autre « religion », d'une autre mystique pour soutenir la République.
    D'abord, il faut qu'on en finisse avec le christianisme, lié à la monarchie.
    Voltaire a été admis au Panthéon dès le 11 juillet 1791, et on a célébré « l'homme qui combattit les athées et le fanatique, qui inspira la tolérance, qui réclama les droits de l'homme contre la servitude de la féodalité ».
    La Convention a réhabilité le chevalier de La Barre. Elle abolit l'esclavage le 4 février 1794. Elle va tenter, avec un nouveau calendrier – le décadi remplaçant le dimanche, thermidor, juillet, brumaire, novembre, etc. –, de parachever la déchristianisation.
    Elle organise le culte de la Raison, adopte le « déisme voltairien », célèbre l'Être suprême.
    Elle veut transformer la République en mystique.
    Mais elle dresse ainsi contre cette parodie de religion aussi bien les catholiques que les sceptiques, les croyants que les cyniques.

    Dans l'âme de la France, ces divisions aux origines de la République, cette fracture entre plusieurs France, ce mysticisme républicain, cette idée d'une mission universelle de libération des peuples assumée par la nation, sont autant de sources de frictions, de ferments de guerre civile.
    La France de 1793-1794 est une fois encore le pays de la Saint-Barthélemy, des guerres de Religion.

    Si la nation n'éclate pas, c'est d'abord que le pays défend son sol contre l'étranger. Que le patriotisme – « Mourir pour la patrie est le sort le plus beau, le plus digne d'envie », chante-t-on – soulève et rassemble la majorité de la nation.
    Celle-ci est en armes. Elle résiste.
    L'amalgame entre soldats volontaires, conscrits de la levée en masse, anciens des régiments du roi promus officiers de la République, bientôt jeunes généraux, se réalise.
    Le patriotisme et l'héroïsme, la jeunesse de ce pays, le plus peuplé d'Europe et à l'armée la plus nombreuse, cimentent la nation.
    L'âme de la France, monarchiste aussi bien que républicaine, est martiale.

    Cela ne suffirait pas à empêcher la désagrégation.
    Si la République en armes dessine l'ébauche d'un pouvoir totalitaire, c'est moins par la mise en œuvre d'une idéologie qui en contiendrait le germe que par les nécessités « techniques » de la guerre aux frontières, et surtout à l'intérieur.
    Si la France est divisée, c'est qu'il existe des « traîtres ». On ouvre les « armoires de fer » de la monarchie ; on y trouve les noms des « stipendiés » de la Cour, et, parmi eux, Mirabeau et Barnave. Dumouriez, le vainqueur de Valmy, est passé à l'ennemi. La Fayette l'a déjà fait, comme des milliers d'officiers, d'émigrés.
    Il faut un Tribunal révolutionnaire, une loi des suspects, un Comité de sûreté générale, un Comité de salut public. D'abord à Paris, puis dans les départements, près de 200 000 sans-culottes sont réunis et organisés en parti révolutionnaire, le parti jacobin, qui s'appuie sur des représentants en mission.
    Le parti est l'œil de la surveillance. Il dénonce. Il châtie.
    Car, au bout de cette suspicion, la Terreur est à l'ordre du jour.
    On dénombre 500 000 suspects. On guillotine. Peut-être y a-t-il plus de 100 000 victimes.
    On confisque, avec les lois de ventôse (février 1794), les biens des suspects.
    On veut s'attacher, avec les lois sur le maximum des prix, les citoyens les plus pauvres. On leur promet l'« égalité sainte » en votant la Constitution de l'an I (24 juin 1793), laquelle ne sera pas appliquée puisque, face à la guerre, le gouvernement est dit

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