L'âme de la France
monarque qui a déjà tenté de prendre la fuite et que les Jacobins, les Cordeliers, les Girondins et naturellement Marat suspectent d'être complice des émigrés – ses frères ! –, du nouvel empereur germanique, François II, et du roi de Prusse Frédéric-Guillaume.
Au plus grand nombre, la guerre paraît le moyen de dénouer ces contradictions.
Le roi sera contraint de se démasquer, de choisir son camp. Et elle obligera les monarchistes, les ennemis de l'intérieur, à prendre soit le parti de la France, soit celui de l'étranger.
Cette fuite en avant, rares sont ceux qui mesurent qu'elle ne peut que favoriser une dictature militaire et la radicalisation de la situation.
Le « parti de la Cour » la souhaite.
Le roi nomme donc un ministre girondin favorable à la guerre.
Le 20 avril 1792, un ultimatum est lancé à l'empereur et aux princes allemands pour qu'ils dispersent les émigrés massés sur leurs territoires.
La Cour imagine que l'armée française, affaiblie par les luttes politiques et l'émigration de nombre de ses officiers, va s'effondrer, et qu'avec le concours des Prussiens et des Autrichiens l'ordre sera rétabli dans le royaume, et le peuple, enfin châtié.
Ainsi la France s'engage-t-elle dans la politique du pire.
3
LA LOI DES ARMES
1792-1799
38.
La guerre commence le 20 avril 1792.
Premières défaites sur les frontières nord et est, le long des routes traditionnelles des invasions.
Le peuple se souvient. Il s'inquiète pour le sort de cette ville-verrou, Verdun, qui commande le chemin de Paris et dont le nom, depuis le temps de Charlemagne, est inscrit dans la mémoire nationale.
La guerre ravive les souvenirs de tous les combats pour la défense de la patrie.
Quand, le 25 avril 1792, à Strasbourg, Rouget de L'Isle entonne pour la première fois son Chant de guerre pour l'armée du Rhin , il emprunte ces mots : Aux armes, citoyens ! aussi bien aux affiches de la Société des amis de la Constitution, qui invitent à s'enrôler, à « vaincre ou à mourir », qu'aux appels à résister à l'armée espagnole lancés en 1636 et qui souhaitaient qu'un « sang impur abreuve nos sillons ».
Quant à la musique de son Chant de guerre , elle s'inspire d'un thème de Mozart, le franc-maçon, le musicien des Lumières, mort en 1791.
Dans un pays centralisé où existe depuis des siècles un sentiment patriotique, la guerre, dès les premiers combats de 1792, associe nation et révolution, défense de la patrie et défense des droits nouveaux.
Le citoyen est patriote.
L'ennemi de la révolution est un traître à la nation.
À ceux qui crient « Vive le roi ! » on répond « Vive la nation ! ».
La loi des armes simplifie, radicalise, exclut, condamne.
Point de place pour les modérés – les Feuillants – adeptes du compromis, par sagesse, par intérêt, pour protéger les propriétés, maintenir la monarchie constitutionnelle, garante de la paix civile et de l'ordre social.
En choisissant la politique du pire – la guerre –, le parti de la Cour a cru pouvoir éteindre le brasier révolutionnaire. C'est l'incendie général qu'il déchaîne contre lui.
En souhaitant la guerre, les Girondins, qui espéraient ainsi gouverner la révolution, ont ouvert la porte aux hommes les plus décidés, aux « sans-culottes » les plus radicaux.
Le temps n'est plus ni à Louis XVI, ni à Barnave ou La Fayette, ni même à Brissot, mais à Danton, Desmoulins et bientôt Robespierre.
La loi des armes, les idées extrêmes, imposent dès lors leur empreinte profonde dans l'âme de la France.
Que le roi – en mai puis en juin – oppose son veto à un décret instituant la déportation des prêtres réfractaires, puis à un autre créant un camp de 20 000 fédérés à Paris, et aussitôt on demande sa suspension.
On envahit le 20 juin les Tuileries, on contraint Louis XVI à se coiffer d'un bonnet phrygien, on l'humilie.
Il ne cède pas.
La presse royaliste invite les amis du roi à rejoindre Paris pour défendre le souverain.
L'amalgame est fait entre les aristocrates, le monarque, et ces Autrichiens et Prussiens qui avancent vers la capitale. On crie : « Périssent les tyrans ! Un seul maître, la Loi ! » Et on proclame « la patrie en danger » (le 11 juillet). L' amalgame se fait entre citoyens et patriotes.
Toute la France entend rouler le tambour, battre le tocsin ; 200 000 volontaires s'enrôlent dans les armées
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