L'ange de la mort
furent amenées devant lui ; il les pressa de questions brusques en leur enjoignant de se reporter aux jours qui avaient suivi la disparition de Montfort. Qui leur avait parlé ? Qui leur avait assigné leurs tâches ? À la fin, satisfait, il les pria de s’éloigner de St Paul et de ne pas revenir avant quatre bons jours, puis il leur donna trois pièces d’argent pour acheter leur silence et leur permettre de quitter rapidement les abords de la cathédrale. Il sortit ensuite tranquillement, suivi de Ranulf, pour se rendre dans une taverne proche.
Armé de son épée et de son poignard, portant un haubert sous son surcot, il était convaincu que le meurtrier de Montfort n’attenterait pas à sa vie si tôt après la tentative malheureuse de la veille. Tant qu’il se mêlerait à la foule et ne s’aventurerait pas dans des lieux écartés, il serait en sécurité. Une fois dans l’estaminet, il surprit Ranulf par ses largesses, commandant ce que l’établissement pouvait offrir de meilleur, en fait de nourriture et de bière. Après que son serviteur se fut restauré, il lui ordonna d’aller chercher un de ses amis, un jeune homme de sa connaissance, et de l’amener à la taverne au plus vite. Ranulf voulut protester, mais se ravisa en voyant le visage fermé de son étrange maître et l’éclat dur de son regard.
Le clerc dut patienter deux bonnes heures avant que Ranulf ne revînt, accompagné d’un jeune homme que Corbett trouva parfait pour son plan. Le gaillard se présenta comme étant Richard Tallis. Corbett, passant outre ses salutations amicales, s’empressa de lui confier une mission : il devait se rendre à St Paul, y trouver le chanoine que Corbett lui nomma et prier ce prêtre d’entendre, en confession, avant les vêpres, un malheureux qui pensait avoir commis un péché abominable et ne voulait s’en ouvrir qu’à lui seul. Tallis eut l’air surpris et le clerc crut qu’il allait refuser, mais après que deux pièces d’or eurent changé de mains, il promit de faire de son mieux et jura que tout se passerait comme prévu, à moins que Corbett n’eût vent du contraire.
Ce dernier passa le reste de l’après-midi dans la taverne à se verser à boire en réfléchissant à ce qu’il avait appris ces derniers temps. Il avait, pensait-il, identifié celui qui avait assassiné Montfort et Plumpton, attenté à la vie du roi et commandé l’embuscade de la veille. Il se sentait l’homme le plus heureux du monde pour avoir découvert la vérité, mais estimait inutile de confronter le coupable avec les preuves. Mieux valait que celui-ci avoue et reçoive son juste châtiment.
Les heures passèrent lentement jusqu’au moment où il jugea qu’il était temps de retourner à St Paul. Il demanda à Ranulf de l’accompagner. Le jeune homme, qui n’avait cessé d’entrer et de sortir de l’auberge pour effectuer de menus achats, accepta avec empressement, car il se doutait que la curée était proche ; il savait que son maître, aux stratagèmes subtils et tortueux, allait livrer un assassin à la justice et lui, qui détestait les ecclésiastiques grassouillets et leur cupidité hypocrite, avait la ferme intention d’assister au dénouement. S’il pénétrait dans St Paul avec son maître, il devait, cependant, rester à l’arrière-plan. Telles étaient les instructions de Corbett.
La cathédrale était déserte. En hiver, les affaires s’achevaient tôt l’après-midi et il faisait si froid dans l’édifice que peu de gens choisissaient de s’y attarder plus que nécessaire. Corbett se dirigea vers un confessionnal, simple paravent en bois muni d’une grille et rattaché à un pilier. C’est là que les confesseurs, assis d’un côté, donnaient l’absolution aux pécheurs repentants, agenouillés sur un petit prie-Dieu. Corbett se mit à genoux et attendit. Soudain, du bruit lui parvint d’au-delà du choeur : une porte s’ouvrait et se refermait, des pas feutrés s’approchaient du confessionnal. Le prêtre s’assit en murmurant « In nomine Patris » suivi du « bénédicité » et invita Corbett, d’une voix tranquille, à commencer sa confession. Le clerc, chuchotant pour déguiser sa voix, prononça les formules rituelles.
— Pardonnez-moi, mon père, car j’ai beaucoup péché !
Corbett précisa quand il avait reçu l’absolution pour la dernière fois et confessa un certain nombre de manquements, ceux qui lui vinrent spontanément à
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