L'Anneau d'Atlantide
profondeur de sa science et son étonnante puissance d’évocation. Sous sa parole, tout reprenait vie. Il était dans son élément et s’y mouvait avec une aisance d’où la poésie n’était pas absente. Aussi, comme Adalbert s’étonnait qu’il n’ait pas soufflé mot depuis une heure :
— Tu t’ennuies ?
Il répondit, sincère :
— Oh, que non ! Au contraire ! Je ne te cache pas que tu me stupéfies ! Et je ne veux plus rien visiter de ce pays sans toi. Je regrette seulement que Lisa, Tante Amélie et Plan-Crépin ne soient pas avec nous.
Le narrateur rougit comme une belle cerise et se détourna en toussotant :
— Ça fait toujours plaisir à entendre ! commenta-t-il sobrement.
Le soir venu, on dîna rapidement puis Aldo accompagna son ami à la gare, inquiet sans trop savoir pourquoi :
— Téléphone-moi demain matin ! s’entendit-il demander. Ne serait-ce que pour dire si tu as fait bon voyage !
— Entendu !
Mais la journée du lendemain ne produisit pas le moindre coup de fil et la sourde inquiétude grandit sans qu’Aldo parvienne à la raisonner en se disant que, ayant retrouvé la précieuse Salima, Adalbert l’avait complètement oublié. Il n’en passa pas moins tout ce temps dans sa chambre ou dans le jardin avec, pour seul intermède, un verre pris au bar en compagnie du colonel Sargent qu’il aurait aimé connaître davantage parce qu’il se révélait vraiment sympathique… et parlait de l’armée des Indes en déployant autant de lyrisme qu’Adalbert envers ses temples, mais le couple s’embarquait en fin d’après-midi pour Assouan et, le soir venu, Aldo se retrouva désespérément solitaire en face du barman, qui lui apporta un soulagement inattendu.
Comme il lui demandait de faire appeler le Shepheard’s par téléphone, celui-ci lui répondit qu’il y avait des problèmes sur la ligne et que Le Caire était inaccessible depuis le début de la matinée :
— Cela arrive quelquefois, lui dit cet homme en manière de consolation. Nous faisons notre maximum pour maintenir l’ordre, mais il peut y avoir des incidents…
Il ne comprit pas pourquoi ce client élégant avait tout à coup l’air si content et lui laissait un pourboire royal, se demandant même si une altesse italienne – donc appartenant à un pays sur lequel régnait un type impossible – ne pouvait avoir de lien avec un clan rebelle quelconque… Et il se promit de le surveiller.
Aldo, lui, passa une soirée détendue à fumer dans le jardin en écoutant l’orchestre de l’hôtel jouer des valses anglaises, regagna sa chambre et dormit sans problèmes. En se réveillant, il allait s’inquiéter du sort du téléphone quand, par la fenêtre ouverte, la voix d’Adalbert commandant son breakfast lui parvint et le précipita à son balcon. Aucun doute ! C’était lui ! À demi caché par les grandes ramures vertes d’un palmier mais parfaitement reconnaissable. Cinq minutes plus tard, il le rejoignait :
— Tu es déjà rentré ?
— Comme tu vois !
Le ton était morne et, sous les lunettes noires, la figure ne rayonnait pas de bonheur. Aldo s’assit de l’autre côté de la table en rotin sur laquelle un serviteur venait de déposer un plateau que l’archéologue contempla avec une sorte d’aversion et sans y toucher :
— Qu’est-il arrivé ? Tu n’as pas faim ?
— Non. Je ne sais pas pourquoi j’ai commandé ça !
— Parce que ta nature profonde te souffle que tu en as besoin. Bois au moins un peu de café ! conseilla-t-il en versant une tasse généreuse, puis il s’empara d’un toast et entreprit de le beurrer, ce qui lui évitait de regarder son ami.
— Vous vous êtes disputés ? hasarda-t-il.
— Ce serait difficile : elle s’est volatilisée !
— Comment ça, volatilisée ?
— Quand l’appartement de quelqu’un est bouclé et qu’on a rendu les clefs sans dire où faire suivre le courrier, je ne vois pas d’autre mot !
Machinalement, Adalbert prit la tartine enduite de marmelade et avala son café. Aldo respira plus librement :
— Ce n’est pas à moi de te demander si tu es allé au musée ?
— On ne l’y a pas vue depuis le jour où tu l’as rencontrée et, d’ailleurs, je me suis aperçu qu’on n’y savait pas grand-chose sur elle et moins encore sur sa famille. Personne n’a pu me donner la moindre trace. On dirait
Weitere Kostenlose Bücher