L'Anneau d'Atlantide
prie ! Puisqu’elle préfère rester dans sa cabine, qu’elle y reste et qu’elle aille au diable !
Il n’avait pas fini sa phrase que l’accompagnateur de la Rinaldi se matérialisait auprès d’eux :
— Veuillez me pardonner, Messieurs, mais lequel d’entre vous est le prince Morosini ? hasarda-t-il timidement.
Adalbert éclata de rire :
— Je croyais que c’était visible à l’œil nu… mais je me sens immensément flatté que l’on puisse se poser la question. C’est Monsieur qui a cet honneur !
— Qu’avez-vous à me dire ? fit Aldo.
— Pas moi mais la signora Rinaldi. Elle désire vous voir !
— Après le camouflet qu’elle vient d’infliger aux passagers de ce bateau, je ne suis pas certain d’en avoir envie. Qu’est-ce qu’elle me veut ?
— Je… je ne sais pas, balbutia le jeune homme, apparemment sur des charbons ardents. Elle m’a envoyé vous chercher et je n’ai pas l’habitude de discuter ses ordres…
— Tu devrais y aller, conseilla Adalbert. Ne serait-ce que pour ce malheureux garçon. Elle doit être capable de lui couper les oreilles avec ses dents s’il revient sans toi !
— Tu as raison. Je vous suis, ajouta-t-il en jetant son cigare à l’eau.
La cantatrice l’attendait, assise devant la coiffeuse. Elle se détourna quand la porte s’ouvrit, arborant un sourire radieux :
— Venez ! Venez vite ! Ah, cher prince, recevez toutes mes excuses ! Mais comment pouvais-je deviner que vous vous trouviez au milieu du vulgaire ! s’exclama-t-elle en tendant une main baguée à chaque doigt, à l’exception du pouce, et sur laquelle il ne put que s’incliner.
— Faut-il vraiment que vous sachiez la qualité de vos auditeurs, Madame ? Cela doit vous compliquer la vie quand vous chantez à la Scala ou à Covent Garden, au San Carlo de Naples ou à l’Opéra de Paris ?
— Ce n’est absolument pas pareil. Au théâtre, il y a le public, une masse vivante qui respire à l’unisson et où je ne détaille personne, mais quand je voyage, je distingue les individus et ne veux côtoyer que des gens d’importance.
— Et vous la mesurez au nom ? Que je sois prince ne signifie rien : je pourrais être le dernier des crétins…
— Peut-être, mais vous n’êtes pas « que » prince. Vous êtes aussi…
Elle n’avait pas prononcé l’antienne trop connue qu’Aldo l’interrompit :
— Madame, dit-il sèchement, je suis ici en vacances et refuse catégoriquement de parler profession. Or, comme tout un chacun, vous venez d’arriver sur ce bateau et vous ignorez la position sociale de nos compagnons. Moi aussi d’ailleurs, à l’exception de l’ami avec qui je voyage. Et il se trouve qu’il est au moins aussi intéressant que moi puisqu’il est un archéologue français connu !
La Rinaldi prit alors une mine de petite fille grondée qui lui allait comme un gant à un tramway !
— Oh ! Vous êtes fâché ?
— On le serait à moins, Madame. Je me suis senti insulté pareillement aux autres.
— Mais je ne savais pas et…
— C’est ce que je vous reproche. Aussi ne vois-je aucune raison de recevoir des excuses particulières…
— Mais si, voyons ! Nous devrions même être déjà des amis. La princesse Shakiar m’avait invitée à dîner avec vous parce qu’elle aurait aimé que nous fassions connaissance. Ne sommes-nous pas compatriotes ?
— Éloignés ! Vous êtes napolitaine et moi vénitien. Le Nord et le Sud en quelque sorte. Ainsi, vous la connaissez ?
— Beaucoup ! Nous sommes de v… des amies de longue date et elle a été tellement déçue…
— À cause de ce dîner manqué ? J’en suis navré, mais l’invitation était un brin tardive. J’ai eu le regret de m’en excuser : je partais au moment où son message m’est parvenu.
— Vous ne pouvez savoir à quel point elle a déploré votre absence ! Juste quand elle avait le plus besoin de vous… de vos compétences, veux-je dire.
— Mes compétences ? Je croyais que le sujet en était épuisé depuis la veille.
— La veille, il ne s’était encore rien passé. Tandis que lorsque je suis arrivée chez elle, je l’ai trouvée bouleversée.
— Par quoi ?
— Mais le vol ! Elle vous a écrit…
— Pour m’inviter à dîner. Il n’a jamais été question de vol.
Sans trop savoir pourquoi, Aldo sentait un
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