L'Anneau d'Atlantide
voulait essayer d’endiguer ce qu’il appelait l’« hémorragie sacrilège » !
— Il n’avait quand même pas l’intention de cambrioler les deux musées ?
— Il était un peu fou, mais pas à ce point-là. Il savait que des restitutions de cette importance ne pouvaient s’effectuer que de gouvernement à gouvernement. Ce qu’il voulait, c’était préserver ce qui n’était pas encore découvert et c’est dans cet esprit qu’il était parti, il y a plus d’un an, pour l’Angleterre. En dépit de mes mises en garde, il s’obstinait à affirmer qu’il rapporterait quelque chose d’essentiel, sans vouloir préciser à quoi il pensait.
— Pour ce que j’ai cru comprendre du peu de paroles qu’il a pu exhaler en mourant : une Reine Inconnue. Les autres mots, à peine audibles, furent Assouan, Ibrahim et Sanctuaire. Voilà pourquoi j’ai tenu à vous porter ce message. Selon mon ami Vidal-Pellicorne, il ne pouvait s’agir que de vous…
— En effet, et je vous en remercie. Je devine ce qu’il est allé chercher, et si on l’a tué, c’est qu’il avait dû réussir à se le procurer, mais où ? Au Museum ? Il savait que je ne l’aurais pas admis…
— Non, fit Adalbert : chez Howard Carter, que l’Anneau a protégé de la malédiction quand il a ouvert la tombe de Tout-Ank-Amon, mais il a bel et bien été volé, même si l’on a refusé d’en informer la presse…
— C’était une faute grave et mon pauvre Gamal l’a payée de sa vie. Qu’Allah ait pitié de lui… de moi aussi, puisque j’en porte la responsabilité involontaire. Qui a veillé à ses funérailles ?
— Je m’en serais volontiers chargé, dit Aldo, mais son frère est venu réclamer sa dépouille.
Ibrahim Bey eut un haut-le-corps :
— Son frère ? Il n’en a jamais eu !
— Et pourtant, il s’est trouvé quelqu’un pour jouer ce rôle.
— Dans ce cas, ce ne peut être qu’un imposteur dont vous auriez dû vous méfier. En ce qui me concerne, je ne vois pas ce que je pourrais vous dire.
— C’est bien ce que nous pensions. Excellence, soupira Aldo, il ne me reste plus qu’à vous remercier de nous avoir reçus…
— Encore un instant, je vous prie ! Avez-vous pu obtenir des informations touchant ce personnage inattendu, donc inquiétant ?
— Oui. J’ai été appelé en Égypte par une princesse appartenant à la famille royale qui souhaitait traiter une affaire que je n’hésiterai pas à qualifier de louche. C’est chez elle que j’ai aperçu le pseudo-El-Kouari.
— Pouvez-vous me nommer cette dame ?
— La princesse Shakiar !
L’imposant et impassible visage eut une brève crispation :
— Oh, cette femme ! Si vous avez eu des réticences, je vous approuve !
— Vous la connaissez ? demanda Adalbert.
— Personnellement non, mais je connais sa réputation. Quelqu’un qui m’est proche entretient des relations avec elle et je ne crois pas que ce soit dans son intérêt… Quant à moi, je ne peux que vous exprimer ma gratitude pour avoir assisté mon pauvre Gamal à ses derniers instants. A-t-on retrouvé les assassins ?
— Pas que je sache. La version de la police est des plus élémentaires : un voyageur étranger de passage à Venise avant de repartir pour l’Égypte – il était descendu à l’hôtel Danieli avant de reprendre le bateau – a été attaqué par des malandrins qui l’ont détroussé et tué au cours d’une promenade nocturne.
— Votre police se contente de peu.
— Pourtant, le commissaire Salviati que je connais de longue date est un bon professionnel, mais il semble qu’il se soit attaché à effacer toute trace. J’ajoute que le faux frère s’était assuré la connivence des gens du Duce…
— N’en dites pas plus ! J’ai compris. Qu’Allah vous garde, Messieurs. Je suis heureux de vous avoir rencontrés.
5
Une histoire de fous
— Mis à part le fait qu’El-Kouari II n’est pas ce qu’il prétend, ton saint homme ne nous en a guère appris, grogna Aldo une fois dans la voiture qui les ramenait à la maison des Palmes.
— Qu’est-ce que tu espérais ?
— Je ne sais pas, moi ! Que vous alliez parler longuement de la Reine Inconnue. Or, vous n’avez même pas effleuré le sujet ! C’est parce que j’étais là ?
— Peut-être… et peut-être pas. C’est un homme très secret
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