L'année du volcan
Châtelet.
Nicolas prit un fiacre qui le conduisit sur la place du sanctuaire. Il repéra Rabouine qui d’un mouvement de tête indiqua l’avoir vu. Il ne s’agissait pas de lui parler au risque de dévoiler sa présence. Il entra dans l’église qui le frappa à nouveau par ses dimensions et son ampleur. La nef était claire d’une lumière diffuse qui en accentuait la splendeur. L’odeur de l’encens et des cierges dominait sans cette odeur de décomposition si habituelle dans les églises où l’on enterrait les morts depuis des siècles. À cette heure tardive, à part quelques vieilles femmes en prière, le sanctuaire était désert. Il se dirigea vers la sacristie. La porte en était fermée. Après un regard autour de lui, il sortit son rossignol et tritura un instant la serrure avant de la forcer. Il entra, fit quelques pas dans la grande pièce aux hauts placards de chêne sculptés. Il trouva enfin ce qu’il cherchait, l’amoncellement de bois découpés, vestiges des décors somptueux que chaque église de la capitale arborait le jour de la Fête-Dieu. Il sortit de sa poche une grande feuille de papier et, saisissant l’un des panneaux, la plaqua sur lui. C’était bien cela et ce qu’il supposait s’avérait sans conteste ! Il hocha la tête avec jubilation. Il replaça le panneau à l’endroit exact où il l’avait découvert, referma soigneusement la porte et se mit en mesure de trouver l’escalier qui conduisait aux tribunes et aux tours. Il réfléchit un moment, s’orienta et marcha vers une petite porte, à gauche de l’entrée de l’église, du même côté que la sacristie. Il pénétra dans l’étroit escalier en essayant de ne point en réveiller les échos.
Épilogue
IRAE CELESTES
« L’endurcissement entraîne une mort funeste, et les grâces du ciel que l’on renvoie ouvrent un chemin à la foudre. »
Molière
Au moment où il commençait à gravir les degrés, un grondement de tonnerre ébranla le sanctuaire qui fut un court instant inondé d’une lueur livide. La voûte en répercuta l’écho. Nicolas atteignit rapidement le niveau des tribunes et entreprit l’ascension de la tour nord pour aboutir à la chambre des cloches. Il fut soudain abasourdi par le carillon sonnant sept heures. Il n’y découvrit rien de particulier et s’engagea sur la terrasse. Lorsqu’il jeta un œil par-dessus la rambarde, la capitale apparut à ses pieds toute pointillée de minuscules lueurs qui en découpaient la masse déjà obscure. Les nuages étaient baset sombres, parcourus d’éclairs. Derrière la tour nord, un bruit attira son attention. Il s’en approcha et aperçut une cabane sans doute provisoire, destinée à abriter les outils des ouvriers tailleurs de pierre du chantier inachevé. Entre les planches disjointes une lueur tremblotait. Par un interstice, il jeta un œil à l’intérieur. Le spectacle qui s’offrit à lui le médusa. Trabard, le vicaire de la paroisse, était méconnaissable. Bottes, pourpoint, habit et perruque le transformaient entièrement. L’homme s’affairait et remplissait une sacoche de cuir de pièces d’or en vrac qu’il sortait d’un sac de jute. Deux portemanteaux semblaient indiquer qu’un voyage – une fuite ? – était imminent. Nicolas hésita un moment. Devait-il intervenir sur-le-champ ou bien aller chercher du renfort au risque que le suspect prenne la poudre d’escampette ? La décision était aisée et il décida de jouer sur une brutale apparition. Il longea le côté de la cabane et souhaita que la porte ne fût pas fermée à clé. Il leva le pied et fracassa le fragile panneau de bois. Chichement éclairé par la lueur d’une chandelle, le vicaire se retourna, laissant échapper une poignée de louis qui roulèrent sur le sol en tintant. D’abord effaré, il reprit aussitôt contenance, ébauchant une sorte de sourire.
— Que me vaut l’heur de votre visite ?
— Mais la suite de mon enquête, mon père. Ou faut-il vous nommer autrement au vu de votre nouvelle apparence ?
— Cela vous surprend. En fait, je me prépare à un voyage…
Il se signa.
— … Je dois accompagner le corps de mon frère dans notre province. Il reposera dans la chapelle du manoir familial.
— N’est-il pas, lui aussi, hypothéqué ?
Il ne fut rien répondu à cette question et un silence pesant s’installa.
— Savez-vous, monsieur, reprit Nicolas, que j’ai passé un long moment au service des
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