Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
Vom Netzwerk:
vide. Il commanda une seconde bouteille de pouilly.
    « Et toi, Ravic ? demanda-t-il.
    –  Tu veux dire, comme rat ?
    –  Oui.
    –  De nos jours, même les rats ne peuvent se passer de visas et de passeports. »
    Morosow le regarda d’un air désapprobateur.
    « En as-tu jamais eu jusqu’à maintenant ? Non. Et pourtant tu as vécu à Prague, à Vienne, à Zurich, en Espagne, et à Paris. Il est temps que tu partes d’ici.
    –  Pour aller où ? » demanda Ravic.
    Il prit la bouteille que le garçon venait d’apporter. Elle était froide et couverte de buée. Il versa le vin léger.
    « En Italie ? La Gestapo m’y attendrait à la frontière. En Espagne ? Je serai pris par les phalangistes.
    –  En Suisse.
    –  La Suisse est trop petite. J’y ai été trois fois.
    Chaque fois, j’ai été pris au bout d’une semaine et renvoyé en France.
    –  Angleterre. Tu pourrais t’embarquer clandestinement. De Belgique.
    –  Impossible. Je serais pris au port et renvoyé en Belgique et la Belgique n’est pas un pays pour réfugiés.
    –  Tu ne peux pas aller aux États-Unis. Mais pourquoi pas au Mexique ?
    –  Trop de monde. Et du reste, il me faudrait quand même des papiers quelconques.
    –  Tu n’en as aucun ?
    –  J’ai eu des certificats de levée d’écrou des prisons où j’ai été envoyé pour entrée illégale dans divers pays. Ce n’est pas tout à fait ce qu’il faut. Et naturellement, je les ai déchirés, aussitôt sorti. »
    Morosow demeura silencieux.
    « Je suis arrivé au bout de la course, mon vieux Boris, dit Ravic. On finit toujours par arriver au bout.
    –  Tu sais ce qu’il arrivera s’il y a la guerre ?
    –  Bien sûr. Un camp de concentration en France. Ce sera assez vilain, car on n’a rien préparé.
    –  Et après cela ? »
    Ravic haussa les épaules.
    « Il est inutile de chercher à voir trop loin dans l’avenir.
    –  Soit. Mais songes-tu à ce qui pourrait arriver, si tout s’écroulait ici, pendant que tu attends tranquillement dans un camp de concentration ? Les Allemands peuvent te prendre.
    –  Moi et combien d’autres ! Oui, peut-être. Il est aussi possible qu’on nous relâche au bout d’un certain temps. Qui sait ?
    –  Et après ? »
    Ravic prit une cigarette dans sa poche.
    « Nous n’en parlerons pas aujourd’hui, Boris. Je ne veux pas sortir de France. Tous les autres pays sont dangereux ou inaccessibles. Du reste, je ne veux plus fuir.
    –  Tu ne veux plus fuir ?
    –  Non. J’y ai songé. C’est difficile à expliquer. C’est même inexplicable. Mais je ne veux plus me remettre en route. »
    Morosow observa la foule silencieusement.
    « Tiens, voilà Jeanne », dit-il.
    Elle était assise avec un homme, à une table qui faisait face à l’avenue George-V.
    « Le connais-tu ? demanda-t-il à Ravic.
    –  Non, dit celui-ci après avoir regardé.
    –  Elle en change souvent.
    –  Elle court après la vie, dit Ravic avec indifférence. Comme la plupart d’entre nous. Elle craint de manquer quelque chose.
     – Ça peut s’appeler d’un autre nom.
    –  Oui, mais c’est la même chose. L’inquiétude, mon vieux Boris. La maladie du dernier quart de siècle. On ne croit plus qu’on pourrait vieillir paisiblement avec ses économies. Tout le monde flaire l’odeur du feu, et cherche à prendre ce qu’il peut. Pas toi bien sûr. Toi, tu es le philosophe des plaisirs simples. »
    Morosow ne répondit pas.
    « Elle ne sait pas choisir ses chapeaux, dit Ravic. Regarde-moi ce qu’elle porte ! Elle manque en général de goût. C’est-ce qui fait sa force. La culture débilite. On finit toujours par revenir aux impulsions primitives de la vie. Tu en es toi-même un magnifique exemple. » Morosow sourit.
    « Laissez-moi à mes pauvres plaisirs, vagabond des sphères élevées ! Celui qui a des goûts simples aime beaucoup de choses. Il ne reste jamais les mains vides. Celui qui court après l’amour à soixante ans est un idiot qui espère gagner contre des adversaires se servant de cartes truquées. Un bon bordel procure la paix de l’esprit. La maison que je fréquente a seize jeunes femmes. Là, pour un peu d’argent, je suis un pacha. Et les caresses que j ’y reçois sont de meilleur aloi que celles pour lesquelles se lamentent les esclaves de l’amour.
    Je comprends, Boris.
    Parfait. Finissons cette carafe. Du pouilly clair et frais. Et respirons l’air argenté de

Weitere Kostenlose Bücher