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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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Paris, tandis qu’il n’est pas encore contaminé.
    –  C’est-cela. As-tu remarqué que les marronniers ont fleuri pour la deuxième fois cette année ? » Morosow fit signe que oui. Il montrait le ciel où Mars brillait de son éclat rougeâtre.
    « On dit que celui-là est plus rapproché de notre planète en ce moment qu’il ne l’a été depuis des années. » Il se mit à rire.
    « Nous lirons bientôt qu’un enfant est venu au monde avec un grain de beauté en forme de sabre. Et qu’il a plu du sang quelque part sur la terre. Il ne manque plus que la comète mystérieuse du Moyen Âge, pour compléter la série des signes menaçants.
    –  La voilà, la comète », dit Ravic en indiquant le journal lumineux, dont les lettres semblaient se pourchasser sans jamais s’atteindre ; et la foule se tenait là, silencieuse, les visages levés vers le ciel…
    Ils demeurèrent encore quelque temps assis. Un joueur d’accordéon au coin de la rue, se mit à jouer La Paloma. Les vendeurs de tapis firent leur apparition, leurs ballots sur l’épaule. Un gosse, de table en table, vendait des pistaches. Tout avait son aspect journalier, jusqu’à l’arrivée des vendeurs de journaux. On leur arrachait presque des mains les éditions. Quelques secondes plus tard, la terrasse, avec tous les journaux dépliés, semblait enfouie sous une nuée d’immenses phalènes blancs et exsangues, qui dévoraient leurs victimes, en battant des ailes.
    « Voilà Jeanne qui s’en va, dit Morosow.
    –  Où ?
    –  Là-bas, au coin. »
    Jeanne traversait la rue, se dirigeant vers un coupé gris, stationné sur les Champs-Élysées. Elle ne vit pas Ravic. L’homme qui l’accompagnait fit le tour de la voiture, et s’installa au vo lant. Il avait la tête nue, et il paraissait plutôt jeune. La voiture s’éloigna. C’était une Delahaye.
    « Magnifique voiture, dit Ravic.
    –  Des pneus superbes, dit Morosow en reniflant avec mépris. – Ravic, l’homme de fer, ajouta-t-il furieux. « Magnifique voiture ! » Je comprendrais mieux : « Damnée fille des rues. »
    –  Qu’est-ce que ça peut faire ? dit Ravic en souriant. Fille ou sainte… tout dépend du point de vue. Tu ne comprends pas cela, toi paisible client des maisons closes, avec tes seize femmes.
    L’amour n’est pas un homme d’affaires qui veut voir fructifier ses placements. L’imagination n’a besoin que d’un clou où elle puisse accrocher son voile. Que le clou soit d’or, d’étain ou de fer rouillé, peu importe. Qu’il s’agisse d’un buisson de roses ou d’un buisson d’épines, il est transporté dans les Mille et Une Nuits, dès qu’il est recouvert par ce voile de nacre et de rayons de lune. »
    Morosow avala une gorgée de vin.
    « Tu parles trop, dit-il. Et du reste, tu as tort.
    Je le sais. Mais dans l’obscurité totale, même un feu follet représente la lumière, Boris. »
    De la direction de l’Étoile, la fraîcheur venait insensiblement. Ravic entoura de sa main le verre de vin couvert de buée. La fraîcheur venait avec, le souffle calme de la nuit ; et avec elle l’indifférence envers le Destin. Le Destin et l’avenir. Quand Ravic avait-il eu ce sentiment ? À Antibes, lorsqu’il avait compris que Jeanne le quitterait un jour. L’indifférence qui devenait la sérénité. Comme sa décision de ne pas fuir. De ne plus fuir. Il avait eu la vengeance et l’amour. C’était assez. Ce n’était pas tout, mais l’homme n’avait pas le droit d’exiger davantage. Il n’attendait plus rien. Ce n’était pas la résignation, mais c’était le calme qui provenait d’un raisonnement, d’une décision qui allait au-delà de la logique. Le vacillement avait cessé. L’ordre était rétabli. Plus rien n’avait d’importance. Tous les courants s’étaient arrêtés. Un lac tendait son miroir à la nuit, et le matin verrait de quel côté le flot s’écoulerait.
    « Il faut que je parte, dit Morosow en consultant sa montre.
    –  Va, Boris. Je reste encore un peu.
    –  Tu veux jouir des dernières nuits avant le gotterdammerung ?
    –  Oui. Tout ceci ne reviendra plus.
    –  Et tu trouves que c’est terrible ?
    –  Non. Nous ne reviendrons pas non plus. Hier est perdu, et ni les larmes ni la magie ne sauraient le ramener. Mais aujourd’hui est éternel.
    –  Tu parles trop, dit Morosow en se levant. Sois reconnaissant. Tu assistes à l’agonie d’un siècle. Un siècle qui

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