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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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et des chiens. J’abandonne la Kate Hegstrœm que vous avez connue ici. Elle a un petit tombeau au Schéhérazade. Allez-y prendre un verre de temps à autre.
    –  C’est entendu. J’y porterai un toast avec de la vodka.
    –  C’est-cela. » Elle semblait encore indécise, dans la demi-obscurité de la pièce. « C’est étrange, dit-elle, je devrais être heureuse, et pourtant je ne le suis pas.
    –  Les départs sont toujours ainsi. Même lorsque c’est le désespoir que l’on quitte. »
    Elle était devant lui, hésitante, pleine de vie, résolue, et un peu triste.
    « La façon la plus simple de dire adieu est toujours de s’en aller, dit Ravic. Venez, je sors avec vous. »
    L’air était doux et humide. Le ciel semblait une nappe de plomb.
    « J’appelle un taxi, dit Ravic.
    –  Non, laissez. J’aime mieux marcher jusqu’au coin. J’en trouverai un. C’est la première fois que je sors.
    –  Quelle impression cela vous fait-il ?
    –  C’est comme si je buvais du vin.
    –  Vous ne voulez pas que j’appelle un taxi ?
    –  Non. Je vais marcher. » Elle promena son regard sur la rue mouillée. « Il reste encore de la crainte en moi dans quelques recoins, dit-elle.
    –  Ça passera.
    –  Adieu, Ravic.
    –  Adieu, Kate. »
    Elle demeura là encore un moment comme si elle allait ajouter quelque chose. Puis avec précaution elle descendit les marches. Il la regardait partir le long de la rue ; elle semblait al ler vers le couchant violet… Et c’est vers sa destruction qu’elle s’en allait. Elle ne se retourna pas.
     
    Ravic rentra. En passant devant la chambre qu’avait occupée Kate Hegstrœm, il entendit de la musique. Il s’arrêta surpris. Aucun patient n’occupait encore cette pièce.
    Ouvrant la porte avec précaution, il vit l’infirmière, à genoux devant le phonographe. Elle sursauta en entendant Ravic et se leva. L’appareil jouait un vieux disque, La Dernière Valse. L’infirmière lissa sa robe.
    « M lle  Hegstrœm m’a fait cadeau de son phono, dit-elle. C’est une marque américaine. On ne peut pas en acheter ici. Nulle part à Paris. C’est le seul. Je l’essayais. Il peut jouer cinq disques automatiquement. » Elle sourit avec fierté. « Et elle m’a laissé tous les disques. Il y en a cinquante-six. Et il y a aussi un poste de T. S. F. Quelle chance ! »
    « La chance, pensa Ravic. Le bonheur, ici, était causé par un phono. » Il s’arrêta pour écouter. Le violon s’élevait comme une colombe au-dessus de l’orchestre, dans une mélodie plaintive et sentimentale. C’était un de ces airs languissants qui savent parfois nous toucher le cœur mieux que tous les nocturnes de Chopin. Ravic lança un regard autour de lui. Le lit était défait. Le linge était empilé près de la porte. Les fenêtres étaient ouvertes. L’obscurité se faisait lentement. Les derniers accords d’une valse et un vague reste de parfum étaient tout ce qui restait encore de Kate Hegstrœm.
    « Je ne pourrai pas tout emporter à la fois, dit l’infirmière. C’est trop lourd. Je prendrai d’abord l’appareil, et puis en deux fois, j’emporterai les disques.
    –  Bonne idée, dit Ravic. Faites attention de ne rien briser. »

 
CHAPITRE XV
     
     
     
    R AVIC s’éveilla lentement. Il demeura pendant plusieurs minutes dans cet état de demi-conscience, qui n’est pas encore la réalité, mais qui n’est déjà plus tout à fait le rêve. Il était près de la Forêt Noire, devant une petite gare à la frontière allemande. Il entendit tout près le bruit d’une cascade, tandis que la brise des montagnes apportait l’odeur pénétrante des pins. C’était l’été et un parfum de résine emplissait toute la vallée. Les rails d’acier brillaient d’un éclat rougeâtre au soleil couchant. « Que fais-je ici ? pensa Ravic. Pourquoi suis-je en Allemagne ? J’étais en France ; j’étais à Paris. » Il eut l’impression d’être soulevé par une vague à la crête iridescente, et de replonger en partie dans le sommeil. Paris semblait s’estomper et disparaître, très loin à l’horizon, dans un épais brouillard. Il n’était pas à Paris. Il était en Allemagne. Mais pourquoi y était-il revenu ?
    Il traversa le quai étroit de la gare. Le contrôleur se tenait près d’un kiosque à journaux, lisant le Vœlkischer Beobachter. C’était un homme d’un âge moyen, au visage gras et luisant et aux sourcils

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