L'art de la Guerre (Les Treize Articles)
peuvent avoir les princes alliés ou tributaires,
des intentions bonnes ou mauvaises de ceux qui peuvent influer sur
la conduite du maître que vous servez, et vous attirer vos ordres
ou des défenses qui pourraient traverser vos projets et rendre par
là tous vos soins inutiles.
Votre prudence et votre valeur ne sauraient
tenir longtemps contre leurs cabales ou leurs mauvais conseils.
Pour obvier à cet inconvénient, consultez-les dans certaines
occasions, comme si vous aviez besoin de leurs lumières : que
tous leurs amis soient les vôtres ; ne soyez jamais divisé
d'intérêt avec eux, cédez-leur dans les petites choses, en un mot
entretenez l'union la plus étroite qu'il vous sera possible.
Ayez une connaissance exacte et de détail de
tout ce qui vous environne ; sachez où il y a une forêt, un
petit bois, une rivière, un ruisseau, un terrain aride et pierreux,
un lieu marécageux et malsain, une montagne, une colline, une
petite élévation, un vallon, un précipice, un défilé, un champ
ouvert, enfin tout ce qui peut servir ou nuire aux troupes que vous
commandez. S'il arrive que vous soyez hors d'état de pouvoir être
instruit par vous-même de l'avantage ou du désavantage du terrain,
ayez des guides locaux sur lesquels vous puissiez compter
sûrement.
La force militaire est réglée sur sa relation
au semblant.
Déplacez-vous quand vous êtes à votre
avantage, et créez des changements de situation en dispersant et
concentrant les forces.
Dans les occasions où il s'agira d'être
tranquille, qu'il règne dans votre camp une tranquillité semblable
à celle qui règne au milieu des plus épaisses forêts. Lorsque, au
contraire, il s'agira de faire des mouvements et du bruit, imitez
le fracas du tonnerre ; s'il faut être ferme dans votre poste,
soyez-y immobile comme une montagne ; s'il faut sortir pour
aller au pillage, ayez l'activité du feu ; s'il faut éblouir
l'ennemi, soyez comme un éclair ; s'il faut cacher vos
desseins, soyez obscur comme les ténèbres. Gardez-vous sur toutes
choses de faire jamais aucune sortie en vain. Lorsque vous ferez
tant que d'envoyer quelque détachement, que ce soit toujours dans
l'espérance, ou, pour mieux dire, dans la certitude d'un avantage
réel. Pour éviter les mécontentements, faites toujours une exacte
et juste répartition de tout ce que vous aurez enlevé à
l'ennemi.
Celui qui connaît l'art de l'approche directe
et indirecte sera victorieux. Voilà l'art de l'affrontement.
À tout ce que je viens de dire, il faut
ajouter la manière de donner vos ordres et de les faire exécuter.
Il est des occasions et des campements où la plupart de vos gens ne
sauraient ni vous voir ni vous entendre ; les tambours, les
étendards et les drapeaux peuvent suppléer à votre voix et à votre
présence. Instruisez vos troupes de tous les signaux que vous
pouvez employer. Si vous avez à faire des évolutions pendant la
nuit, faites exécuter des ordres au bruit d'un grand nombre de
tambours. Si, au contraire, c'est pendant le jour qu'il faut que
vous agissiez, employez les drapeaux et les étendards pour faire
savoir vos volontés.
Le fracas d'un grand nombre de tambours
servira pendant la nuit autant à jeter l'épouvante parmi vos
ennemis qu'à ranimer le courage de vos soldats : l'éclat d'un
grand nombre d'étendards, la multitude de leurs évolutions, la
diversité de leurs couleurs, et la bizarrerie de leur assemblage,
en instruisant vos gens, les tiendront toujours en haleine pendant
le jour, les occuperont et leur réjouiront le cœur, en jetant le
trouble et la perplexité dans celui de vos ennemis.
Ainsi, outre l'avantage que vous aurez de
faire savoir promptement toutes vos volontés à votre armée entière
dans le même moment, vous aurez encore celui de lasser votre
ennemi, en le rendant attentif à tout ce qu'il croit que vous
voulez entreprendre, de lui faire naître des doutes continuels sur
la conduite que vous devez tenir, et de lui inspirer d'éternelles
frayeurs.
Si quelque brave veut sortir seul hors des
rangs pour aller provoquer l'ennemi, ne le permettez point ;
il arrive rarement qu'un tel homme puisse revenir. Il périt pour
l'ordinaire, ou par la trahison, ou accablé par le grand
nombre.
Lorsque vous verrez vos troupes bien
disposées, ne manquez pas de profiter de leur ardeur : c'est à
l'habileté du général à faire naître les occasions et à distinguer
lorsqu'elles sont favorables ; mais il ne doit pas
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