L'assassin de Sherwood
Autrement dit, Monseigneur, si notre souverain veut récupérer l’argent des impôts, il vous faudra fouiller caves et passages !
Corbett observa une pause et scruta Branwood qui, plus calme à présent, soutenait son regard sans ciller.
— Les actions suivantes, enchaîna Corbett en levant les yeux au ciel, ne présentèrent pas de difficultés majeures. Le jour de notre incursion en forêt, vous aviez prévenu vos hommes et organisé le guet-apens. Ce fut la même chose pour ce pauvre Gisborne, ajouta le clerc avec un sourire triste. La confusion régnait ce matin-là : je partais pour Kirklees et vous. Sir Peter, fulminiez ostensiblement contre Gisborne et vous démeniez comme un beau diable, de sorte que nul ne savait vraiment où vous vous trouviez. Naylor et Roteboeuf restèrent au château pour donner plus de force au simulacre pendant que vous vous glissiez dans le tunnel et rassembliez les hors-la-loi. Gisborne tomba dans votre piège.
Corbett s’adressa au comte de Lincoln qui semblait fasciné par ce qu’il entendait :
— Monseigneur, vous doutiez que l’on pût aller du château à la forêt. Nottingham est tout petit. Même en passant par ses rues bondées, on arrive aux remparts en vingt minutes. Imaginez à quel point il est plus rapide d’utiliser un passage secret. Peut-être découvrirons-nous un de ces tunnels. D’après mes calculs, Sir Peter pouvait, en moins de quatre ou cinq heures, traverser les celliers, surgir au coeur de Sherwood, préparer un guet-apens, le mener à bien et être de retour au château. Qui se serait aperçu de sa disparition ? Sir Eustace était un homme brisé et cette fouine de Roteboeuf se trouvait partout à la fois, prêt à affirmer que Sir Peter était parti ici ou là. Et pour compliquer encore le mystère, Branwood, parfois, n’agissait pas lui-même, mais envoyait Naylor à sa place, ne serait-ce que pour brouiller les pistes.
Corbett se rassit en jetant un coup d’oeil à la ronde. Jamais il n’avait vu assemblée aussi attentive, gens si immobiles.
— J’ai presque fini, déclara-t-il calmement. Joli subterfuge, mais boiteux dès le début. Quand j’ai rédigé le compte rendu des événements, j’ai commencé à discerner les grandes lignes d’une machination.
Il énuméra les différentes raisons sur ses doigts :
— D’abord, l’attaque du château, le jour de mon arrivée : comment les hors-la-loi savaient-ils dans quelle chambre j’étais logé ? Ensuite, cette embuscade dans la forêt de Sherwood : je n’y ai guère réfléchi au début, mais en y repensant, je m’étonnais de ce qu’aucun d’entre nous n’eût été atteint par des flèches. Branwood et Naylor étaient obligés de m’épargner car massacrer l’émissaire spécial du roi eût été aller un peu trop loin.
Corbett s’interrompit, les yeux rivés sur la table, sentant que Branwood esquissait presque un sourire.
— Vous serez pendu ! s’écria-t-il. Vous êtes un traître et un assassin, comme le sont Naylor, Roteboeuf et tous ceux qui vous ont prêté main-forte.
Les paroles comminatoires de Corbett eurent l’effet désiré : Roteboeuf, blême et hagard, se leva brusquement, renversant sa chaise. Les soldats de Lincoln l’entourèrent.
— C’est la vérité ! hurla-t-il.
— Ferme-la ! mugit Branwood.
— Oh, pour l’amour de Dieu ! lança Roteboeuf en se débattant entre les gardes. Sir Hugh, je suis clerc et réclame d’être jugé en tant que tel ! J’avouerai tout et donnerai noms et dates.
Il leva des yeux suppliants vers Corbett.
— Je recommanderai l’indulgence royale, déclara tranquillement ce dernier.
— Te tairas-tu, fieffé menteur ! rugit Branwood. Vil couard !
Roteboeuf, encouragé par la promesse de Corbett, tomba à genoux.
— C’est la vérité, répéta-t-il en sanglotant. Sir Peter haïssait Robin des Bois et n’avait de cesse de l’abattre. Il avait découvert les tunnels secrets. Naylor, lui et moi, nous les empruntions souvent. Sir Eustace ne soupçonnait rien. Et puis, l’automne dernier, après la Toussaint, sont arrivées les lettres annonçant que Robin de Locksley avait quitté l’armée du roi en Écosse. Alors Sir Peter a organisé une embuscade. Nous sommes sortis de la forteresse, masqués et encapuchonnés. Les deux compagnons de Locksley ont été tués sur-le-champ et lui, nous l’avons laissé pour mort.
Roteboeuf hésita avant de reprendre :
— Nous avons
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