Le Baiser de Judas
qui t’ont porté. »
Les amis du malade étaient toujours sur le
toit, d’où ils jetaient dans la pièce des regards inquiets.
« Mon enfant, tes péchés te sont
pardonnés », dit Jésus.
L’homme eut l’air déçu, et un murmure de
perplexité parcourut la foule. Soudain de l’extérieur s’éleva une voix.
« Comment peux-tu parler ainsi ? Laissez-moi
passer. Laissez-moi passer, vous dis-je. »
La voix avait une autorité qui fit s’écarter
les badauds. Un homme, habillé comme les docteurs de la Loi, entra.
« Pour qui te prends-tu ? Sais-tu
qui tu insultes ? Seul Dieu a le pouvoir de pardonner les péchés. Tu es un
fou ou un imposteur ? »
Jésus le regarda avec calme, ce qui eut pour
effet de faire enrager encore plus l’homme. Dehors d’autres voix s’élevèrent
pour approuver le pharisien.
« C’est vrai. Qui es-tu ? Qui te
donne le droit de te comparer à Dieu ?
— Pourquoi ces pensées dans ton cœur ?
répondit Jésus. Ne sais-tu te laisser envahir que par la haine ? Es-tu
venu pour d’emblée me condamner ? Qu’est-ce qui est le plus facile, à ton
avis : de dire à cet homme que ses péchés sont pardonnés, ou de lui dire
de se lever et de repartir guéri ? »
Jésus paraissait transporté, comme si quelqu’un
d’autre parlait à travers lui.
« Eh bien, regarde, regarde. Et comprends
que le fils de l’homme a le pouvoir de remettre les péchés…
— Le fils de l’homme ? Comment
oses-tu… ? »
Jésus se tourna vers le paralytique, repassa
les mains sur ses jambes, et s’agenouilla. Alors l’homme se mit à hurler. Jésus
maintint la pression de sa main. Les cris devinrent insupportables, et les
disciples durent se mettre devant la porte pour empêcher d’entrer ceux qui
souhaitaient délivrer le patient.
« Essaie de marcher, maintenant. »
L’homme ne paraissait pas comprendre ce qu’on
lui disait.
« Allons, marche. »
Il regardait Jésus, l’air parfaitement
incrédule. Le charpentier le fixait, attendant qu’il s’exécute.
Il tenta de replier sa jambe. On la vit frémir,
puis bouger. Il éclata en sanglots. Ses amis tombèrent à genoux. Il réussit à l’amener
au bord du brancard, puis la posa par terre. Hurlant de joie, il se leva, fit
deux pas, et retomba.
« Ne va pas trop vite, mon ami. Ta foi t’a
sauvé, et tes péchés te sont pardonnés. »
L’homme riait dans ses larmes, presque fou. Ses
amis l’emportèrent, abandonnant le brancard. La foule s’écarta, sans un mot. Le
pharisien, décomposé, s’enfuit à la suite du cortège.
Jésus, épuisé, s’assit.
Judas s’avança vers lui. Les questions se
lisaient sur son visage.
« Ne me demande pas d’explications, Judas.
Vois et crois », répondit Jésus.
Il leur demanda de dissiper la foule et alla
se coucher.
Le lendemain, sans
plus parler du miracle, Jésus fit venir Judas et lui demanda, vu l’admirable
façon dont il avait résolu tous les problèmes posés par l’introduction du
paralytique dans la maison, s’il voulait bien s’occuper de la bourse et de l’intendance
de la petite troupe.
« Tu es celui de nous qui a le plus d’instruction.
— Mais de quoi vivrons-nous ?
— Des dons qui nous seront faits pendant
que je prêcherai et avec lesquels nous essaierons ensuite de faire quelque bien.
— Pourquoi pas ? C’est vrai que je
serai sans doute plus doué que ces Galiléens pas toujours très vifs dont tu t’es
entouré. »
Il rit, mais la complicité qu’il tentait ainsi
d’établir ne trouva pas de prise chez Jésus.
« Ne te moque pas, Judas. Ces hommes sont
sans doute plus simples que tu ne l’es, mais je prendrais très mal que tu les
méprises. »
Judas grommela une vague excuse et partit. Il
était quand même fier et ravi de la confiance que Jésus venait de lui montrer.
Les guérisons firent
désormais partie de leur quotidien. Ils ne se déplaçaient plus sans que des
malades, des handicapés, des scrofuleux ne viennent solliciter le rabbi.
Une colonie de lépreux fit même un jour fuir
les disciples, que Jésus dut rappeler avec violence. Lui-même ne paraissait pas
maîtriser ce que ses mains faisaient. Parfois il semblait se contenter de sa
connaissance des plantes et des médicaments et parfois il paraissait tirer d’elles
des résultats totalement imprévus.
C’est en revenant de son prêche à la kenesset
de Koursi que Jésus un jour aperçut André, agenouillé sur un boiteux et
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