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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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tordant
sa jambe malade. Trois autres disciples l’entouraient.
    « Dieu est avec moi. Ne crains rien, cela
va réussir. »
    L’homme transpirait, serrant les dents devant
la douleur, et André broyait le malheureux membre.
    Jésus bondit.
    « Que fais-tu là ? »
    André tressaillit et le regarda, avec l’air d’un
enfant pris en faute.
    « Je, je… Je voulais le guérir, comme toi.
Faire un miracle. Je t’ai vu faire, et j’ai cru que…
    — Que c’était un jeu, un truc qu’il
fallait faire ! Imbéciles odieux que vous êtes… Tu prétends aimer et tu
veux utiliser cet homme comme un moyen de te faire valoir. As-tu pitié de celui
que tu martyrises ? Non. Mais tu te dis : Ah, si jamais le disciple
André pouvait faire comme son maître et que cela se sache, quelle merveille ce
serait alors ! Imbécile, triple imbécile ! »
    Jamais encore les disciples n’avaient vu Jésus
dans une telle colère.
    « Seule la foi sauve. Tu comprends, la
foi. Pas l’imitation, la foi. »
    Les disciples crurent même que Jésus allait
frapper. Mais il préféra s’éloigner en pestant. André, bouleversé, le regarda
partir. L’homme handicapé s’éloigna discrètement, traînant derrière lui sa
jambe toujours malade mais beaucoup plus douloureuse.
    Si le peuple était plutôt favorable au
prédicateur, il n’en allait pas de même des autorités, et l’accueil dans les
villages était de plus en plus hostile. L’arrivée de la troupe d’errants
affolait les rabbins, qui venaient leur demander de déguerpir. Plusieurs d’entre
eux reprochèrent à Jésus ses guérisons et ses miracles, le comparant à des
magiciens illustres. Parfois Jésus partait sans rechigner, parfois il affirmait
son intention de rester. Judas avait vite formé une dizaine d’hommes menaçants
à l’entourer quand la discussion devenait houleuse.
    Des pharisiens les suivaient régulièrement. Souvent
braqués sur des points de doctrine absurdes (Jésus un jour refusa même de
répondre à l’un d’eux qui voulait savoir si à son avis l’on pouvait porter ou
non ses fausses dents le jour du sabbat, et se mit carrément en colère le
lendemain quand il s’agit de discuter du nombre de coudées sur lequel il était
légitime de porter un paquet ce même jour), ils avaient aussi une réflexion sur
la foi dans laquelle Jésus se retrouvait totalement. Il lui arriva de confier à
Judas, un jour où la moiteur du soleil et l’indolence de tous entretenaient la
rêverie, à quel point ces échanges lui étaient une oasis dans l’aridité de ses
rapports avec la troupe peu portée aux subtilités théologiques qui l’accompagnait.
    « J’ai tellement à dire, soupirait-il, et
je dois gaspiller ma salive en polémiques absurdes. Les pharisiens me sont plus
proches que n’importe qui. Leur quête de la voie étroite n’est pas la mienne, mais
nous cherchons à déboucher dans le même jardin… Tout ce qui sort de bon, de
brillant, de vivifiant de nos textes saints vient d’eux. Ils sont tellement
plus vivants que ces grands prêtres qui ne pensent qu’à leur bien, que ces
sadducéens corrompus, ces collaborateurs odieux qui dévoient notre Loi et ont
fait du Temple un lieu de trafics. Et ce sont eux qui me rejettent pour de
stupides questions de respect des rites, pour des simagrées vieillottes alors
que, ensemble, nous pourrions renverser ce monde… »
    Judas était devenu
indispensable. Sa connaissance de la clandestinité servait à tous les moments
de leur vie, et son rôle de logisticien était le paravent idéal à sa mission. Il
recueillait soigneusement les dons après les prêches de Jésus, et les notait
sur des tablettes, une pour ceux en nature, une autre pour ceux en argent. Sur
d’autres, il inscrivait les achats et les quelques ventes des objets dont il ne
savait que faire, comme cette vache qu’un homme bouleversé leur avait offerte :
pendant trois jours, ils l’emmenèrent avec eux, mais les caprices de l’animal
les obligèrent à s’en débarrasser. Il s’occupait de préparer l’accueil du
maître, allait chez l’habitant, demandait s’il était possible de loger un
prophète, voire de le nourrir. Souvent, ils acceptaient de rajouter un matelas
en paille ou une peau d’animal sur la terrasse, allant parfois jusqu’à
accueillir en plus les disciples.
    Il usait de son réseau, s’approchant des
contacts que lui avait laissés Barabbas ou des gens qu’il savait acquis à la
lutte,

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