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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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faire
du commerce. Spontanément, André et Philippe lui interdirent de l’approcher, inaugurant
ce rôle de gardes qu’ils allaient assumer de plus en plus au fil des jours.
    Jésus allait
maintenant de village en village, ne se ménageant pas, s’arrêtant dans les
synagogues, où sa présence finissait par soulever souvent l’ire des rabbins. En
quelques jours, il avait pris une étonnante aisance. Il parlait à la foule, à
la fois d’égal à égal et en maître, sachant en même temps piocher dans les
petits faits de la vie quotidienne et laisser d’énigmatiques paraboles sans
explications. Derrière lui les disciples marchaient, souvent épuisés. Des
nouveaux s’étaient joints au groupe initial.

CHAPITRE 17
    Les jours qui suivirent convainquirent Judas
de la justesse de son choix. Chaque fois qu’il comparait Jésus aux autres
prédicateurs, il sentait chez lui quelque chose de très fort, de très neuf, un
don pour captiver les gens, les amener à lui. Combien de fois n’avait-il pas
ainsi, d’une parole, convaincu l’un ou l’autre de le suivre ? Il y avait
une mélodie dans sa voix, et une armée dans ses gestes.
    De plus en plus les gens venaient l’écouter. Chacun,
quand il parlait, croyait qu’il s’adressait à lui. Il n’usait pourtant ni de la
harangue ni de la diatribe, s’exprimait paisiblement, à cent lieues des
gesticulations du Baptiste. Certains même lui criaient de temps en temps de
parler plus fort. Alors il se levait, fendait la foule et circulait entre les gens,
souvent secoué d’un rire très pur. Judas le regardait faire avec admiration, conscient
pourtant que cette apparente simplicité s’appuyait aussi sur les procédés des
grands orateurs qu’Archépios lui avait décrits à propos de Socrate et
Démosthène : cadences régulières, mots frappants auxquels s’agrégeaient le
reste du discours, phrases antithétiques qui marquaient la mémoire… Ce qui
semblait en revanche propre à Jésus, c’était l’autorité avec laquelle il s’exprimait,
comme si tout venait de lui.
    « Tu ne t’appuies sur aucun rabbi, lui
demanda Judas. Tu ne connais ni Hillel ni Shammaï ni Gamaliel ?
    — Je les connais et je les respecte. Mais
je ne suis pas venu pour répéter ce que d’autres ont dit. »
    Le soir, souvent, il se retirait seul dans la
campagne pour y prier celui qu’il appelait maintenant curieusement « Papa »,
appellation sur laquelle ses proches passaient comme s’il s’agissait d’une
bizarrerie sans conséquence.
    Les journées étaient
longues et rudes. Ils marchaient beaucoup, s’arrêtant souvent pour partager le
pain et les figues, se reposer au bord d’une rivière ou écouter Jésus qui
échangeait avec un passant et, parfois, l’entraînait à leur suite. Ils
discutaient beaucoup, discussions qui finissaient souvent en francs éclats de
rire. Sans être drôle, Jésus maintenait une gaieté permanente, tantôt par l’ampleur
de son rire qui explosait et semblait ne plus devoir finir, tantôt par la bonne
humeur qu’il affichait et l’art qu’il avait de relancer une conversation
mourante. Il lui arrivait même de chantonner des refrains populaires. Le jour
où André avait entonné une chanson d’amour qui commençait par ces vers :
    Ouvre-moi
mon aimée, ma colombe, ma parfaite.
    Car ma tête est
couverte de rosée et se pare des boucles de la nuit.
    Jésus avait continué.
    Je
vous en conjure, filles de Jérusalem,
    Si vous trouvez mon
bien-aimé, dites-lui que je l’attends.
    Il chantait fort, un
peu trop haut, mais avec une belle voix.
    Ces premières semaines furent un bonheur de
tous les instants, une suite de moments d’une innocence totale.
    Aucune ambition, aucune rivalité ne montait
encore les disciples les uns contre les autres. Les foules étaient restreintes
et Jésus, passant de village en village autour du lac de Galilée, pouvait
parler à tous sans que quiconque soit obligé de contenir ses admirateurs.
    La prière prit dans leur vie une place de plus
en plus importante. Judas était content de retrouver autour de lui la ferveur
galiléenne. Les disciples avaient cette ardeur, cet amour pour les coups de
poing, les coups de gueule, les coups de cœur, qui lui avait tant manqué dans
la Judée plus austère. Ils étaient violents, emportés, injustes, mais
attachants. Et pour beaucoup, des émeutiers parfaits, le noyau idéal d’une
bande efficace.
    Ce jour-là, une
dizaine de personnes étaient venues,

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