Le Baiser de Judas
qu’il avait déclaré la guerre aux Romains pour rendre à
Dieu ce qui Lui appartient. Je l’ai rejoint. Plusieurs hommes sont autour de
lui, des hommes déterminés, prêts à tout. Il y a même un grand prêtre, Sadoq.
— Et tu es heureux avec eux ?
— C’est le seul moyen que j’ai trouvé d’effacer
ce qui s’est passé ici. Dieu ne peut pas laisser Israël aux mains de ces
idolâtres. »
Il reprit un peu de soupe, la but avec lenteur.
Simon savait que le plus important était encore à venir.
« J’aimerais que tu nous rejoignes.
— Pour quoi faire ?
— Nous avons besoin d’hommes comme toi. D’hommes
que l’occupation révolte, d’hommes qui préparent le chemin au messie mais aussi
d’hommes réfléchis, résolus, que leur communauté écoute. Il y a beaucoup de
têtes brûlées parmi ceux qui nous ont rejoints, beaucoup de désespérés dévorés
par la haine. Il leur faut des chefs capables de les diriger et de les orienter
vers des actions utiles. J’ai tout de suite pensé à toi. »
Simon prit le temps de méditer sa réponse.
« C’est une marque de confiance à
laquelle je suis sensible. Mais tu sais que j’ai une famille…
— Justement. Quel avenir veux-tu pour
elle ? Veux-tu que tes enfants parlent latin ? Veux-tu qu’ils s’agenouillent
devant les idoles romaines ?
— Non, bien sûr. Mais je ne veux pas non
plus qu’ils finissent comme les enfants d’Abraham.
— Ils le feront de toute façon. Si ce n’est
eux, ce seront leurs enfants ou ceux de tes amis. Nous n’avons pas le choix. Tu
as vu ce qui s’est passé à Chorazim. Comment peux-tu espérer qu’il en sera
autrement par la suite ? Ils sont de plus en plus puissants, prétendent
régenter notre manière de vivre. Il faut que certains réagissent. »
Simon réfléchissait. Il ne voulait ni s’engager
ni fermer la porte que lui ouvrait son ami. Il tentait de comprendre ce que lui
disait Zacharie, faisant ainsi preuve des qualités que recherchait ce dernier.
« Où peut nous mener cette révolte ?
— À restaurer le royaume de Dieu.
— Et que voudrais-tu que je fasse
précisément ? »
Un sourire éclaira le visage de Zacharie.
« Ne te réjouis pas. Je ne t’ai pas dit
oui.
— Mais tu sais que la situation ne peut
pas durer. Avec les impôts qui nous écrasent, combien d’entre nous pourront
passer l’été ?
— Tu ne me réponds pas. À quoi
pourrais-je concrètement te servir ?
— À énormément de choses. Je dois
convaincre de plus en plus de monde, inviter à nous rejoindre tous ceux qui le
peuvent afin d’avoir une vraie armée le jour venu. Il nous faut en attendant
pouvoir cacher des gens, des armes… »
Simon se laissa aller à la vision d’une terre
débarrassée de l’occupant. Il voyait les siens marcher face à l’ennemi, les
légions écrasées, ses enfants libres. Il voyait les Romains fuyant et le règne
de Dieu rétabli sur Sa terre. Il regarda Zacharie, les yeux soudain plus
lumineux.
« Je ne veux pas mettre les miens en
danger.
— Je te promets qu’aucune imprudence ne
sera commise. Mais ce serait te prendre pour un sot que de te faire croire qu’il
n’y a aucun risque.
— Je ne parle pas de moi. As-tu songé aux
dangers que cela ferait courir à ma famille ?
— Bien sûr. Mais crois-tu vraiment que la
présence des Romains ne leur en fait courir aucun ? Ne te réfugie pas
derrière eux ; c’est au contraire en premier lieu pour eux que tu te
battras.
— Je ne sais pas si Ciborée…
— Simon… Pas ça ! Ciborée n’est qu’une
femme. Elle fera ce que tu as décidé. »
Judas était tout ouïe dans son coin. Il ne
comprenait pas tout, mais sentait qu’il se passait quelque chose d’important.
« Je ne peux pas te répondre tout de
suite. Il faut que je réfléchisse à tout cela. »
Zacharie eut l’air déçu.
« Je ne te dis pas non. Moi aussi, je vis
mal la présence de ces étrangers. Mais ce que tu fais est-il le bon choix ?
Cela ne risque-t-il pas de nous enfermer encore un peu plus dans la violence ?
— Si, bien sûr. Mais pour une période
limitée. Vois-tu un autre moyen ? »
Simon soupira.
« Non, c’est vrai. Mais ce n’est pas pour
autant que j’approuve celui-là. »
Ciborée entra à ce moment avec un plat de blé
fumant. Elle avait le visage défait et Simon comprit qu’elle avait entendu
suffisamment de la conversation pour en saisir les implications. Il lui
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