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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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sembla qu’ils creusaient la terre. Puis il s’endormit.
    Une main le secoua, et
il ouvrit précipitamment les yeux. L’aube colorait le ciel. Il lui fallut
quelques instants pour réaliser où il était.
    « J’ai rien fait », dit-il d’emblée.
    Le soldat romain qui l’avait réveillé ne
marqua que son incompréhension. Un autre s’approcha, et se pencha vers lui.
    « Que fais-tu là, petit ? »
    Il parlait mal, sans placer les accents.
    « Rien. Je me promenais et je me suis
endormi.
    — Tu te promènes souvent la nuit, près
des réservoirs ? À ton âge ? »
    En même temps qu’il lui posait des questions, il
traduisait à son compagnon.
    « Je ne savais pas qu’il y en avait un.
    — Vraiment ? Et ça, c’est quoi, à
ton avis ? »
    Il se tourna vers l’autre, qui parut à Judas
être le chef.
    « Qu’est-ce qu’on en fait ?
    — Même petits, ces Juifs sont malfaisants.
Emmène-le au camp. »
    Judas tenta de se débattre, mais une gifle
calma ses ardeurs. Le plus âgé des deux soldats le prit dans ses bras, et le
chargea sur son épaule.
    Il fut emmené au campement, trois ou quatre
tentes qui abritaient une dizaine d’hommes. Là, les deux soldats l’interrogèrent.
Au bord des larmes, il s’en tint à sa version : il se promenait simplement,
et s’était endormi près du réservoir.
    « Maudits Juifs. Ils ont des têtes de
mule dès tout petits. »
    Ils lui firent boire une boisson âcre et alcoolisée.
L’enfant sentit que sa tête tournait. Il vomit, et prit une nouvelle gifle.
    Ils essayèrent de lui faire peur, lui passant
sur le cou la lame d’un glaive. Ils le traitèrent de sale Juif, moquèrent son
dieu unique, sa couleur et le crépu de ses cheveux. Soulevant sa tunique, le
plus âgé chercha à exposer sa nudité, lui demandant s’il était « taillé »
comme ses frères. L’un des deux tenta même de le caresser, mais son camarade l’arrêta.
    Le soleil était déjà haut dans le ciel quand
les deux hommes en eurent assez.
    « Qu’est-ce qu’on fait ? On le garde
ou on le tue ?
    — On peut aussi le laisser partir. Il n’a
rien fait, et ce n’est qu’un gosse.
    — Il faut arracher les mauvaises herbes
tôt. »
    Le plus grand avait l’air las. À nouveau, l’autre
approcha du cou de l’enfant son glaive. Judas, épuisé et terrorisé, ne bougeait
plus.
    « Comment t’appelles-tu ? Et d’où
viens-tu ? Dis-nous cela, rien que cela, et tu es libre. »
    Judas s’apprêtait à dire son nom, mais il eut
peur que son père, d’une façon ou d’une autre, apprenne ce qu’il était devenu. Il
réfléchit un court instant, puis dit.
    « Je m’appelle Josué. Je suis le fils du
berger de Chorazim. »
    Il était tout content de sa trouvaille, pensant
même avoir rendu à son ami un hommage amusant.
    Ils le relâchèrent. L’enfant titubait, à la
fois de fatigue et du reste de l’alcool qu’il avait été obligé d’absorber.
    Il eut un peu de mal à retrouver la maison d’Élisée,
mais finit par y parvenir. Son père l’attendait, fou d’inquiétude. Il reçut une
sévère correction, surtout quand Simon sentit les vapeurs d’alcool, mais
prétendit que, sorti très tôt, il s’était laissé embarquer par un groupe de
vagabonds. Sa propre absence poussa Simon à minimiser l’incident, pour ne pas
donner à Ciborée de nouvelles raisons de s’inquiéter. Pendant le voyage du
retour, il obtint même du petit garçon que l’aventure restât ignorée de sa mère.

CHAPITRE 3
    Le réservoir de Césarée s’effondra une semaine
plus tard. Sa chute ne tua personne, mais des centaines de litres d’eau se
répandirent en une vague qui atteignit les limites de la ville, et tous les
systèmes d’eau courante que Philippe avait commencé d’installer sur le mode
romain furent inutilisables. Aussitôt, et bien que les autorités de la ville
eussent tenté de faire croire à un accident, on sut qu’il s’agissait d’un
sabotage : des hommes avaient creusé sous le bassin, et provoqué sa chute.
    Simon s’était absenté la veille du drame, et n’était
rentré que le lendemain. Une scène atroce avait éclaté entre lui et Ciborée. Il
avait été obligé de devenir presque violent pour la faire taire, tant ses
reproches devenaient explicites pour quiconque serait passé à côté de chez eux.
Puis il avait mis les enfants dehors. Le soir, il avait réuni la famille. Ciborée
avait les yeux rouges. Judas, qui avait

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