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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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qu’aussitôt
resurgissent les visages des morts.
    « La joie de vivre nous a quittés depuis
ce jour. Personne n’en parle jamais, mais c’est encore pire : il n’y a pas
un moment où nous n’y pensions, chacun dans son coin, en silence, comme si nous
étions même incapables de pleurer ensemble. Flavius reste imprévisible. Il a, paraît-il,
essuyé quelques protestations du préfet, qui estimait qu’il avait dépassé la
mesure. Mais ils ont vite trouvé un remplaçant à Zaïre. C’est Yehuda, de Gamala,
dont la mère est, je crois, proche de Flavius. Il a moins de raisons
personnelles d’être impitoyable que Zaïre… Mais la pression reste énorme.
    — Tous ces collaborateurs me répugnent. »
    Le ton de Zacharie était soudain devenu
haineux.
    « Quelques-uns de nos voisins sont partis,
reprit Simon.
    — On me l’a dit, oui. Jochanaan en
particulier.
    — C’est lui qui nous manque le plus. La
communauté paraît boiteuse sans lui.
    — Peut-être est-il utile ailleurs.
    — Peut-être, oui. »
    La phrase parut étrange à Simon. Plus personne
n’avait eu de nouvelles de Jochanaan depuis son départ.
    « Et toi ? Tu n’as pas été inquiété ?
    — Non. Les colères de Flavius ont l’avantage
d’être irraisonnées. Il avait eu son lot de vengeance : il ne s’est pas
entêté plus avant à chercher des responsables. Mais j’ai appris la mort d’Abraham
et de Barnabé. Ils sont nos premiers martyrs. »
    Sa conviction fit presque sursauter Simon.
    « Et toi, où es-tu allé ?
    — Je me suis caché un mois chez ma
cousine Marie, celle de Kadesh.
    — Celle avec qui on avait beaucoup dit
que tu… »
    Cette tentative de faire renaître une vieille
complicité échoua totalement.
    « C’était il y a longtemps », répondit
d’un air dur Zacharie.
    Simon réalisa alors à quel point son camarade
avait changé : il aurait avant évoqué avec son petit sourire narquois les
charmes de cette lointaine cousine.
    « J’y suis resté deux lunes. Puis je suis
reparti.
    — Vers où ? Pourquoi n’es-tu pas
revenu ? »
    Simon comprit que sa question n’était pas
anodine. Il comprit même que Zacharie n’était revenu le voir que pour se l’entendre
poser.
    L’invité jeta un coup d’œil autour de lui, comme
pour y débusquer un éventuel ennemi. Mais ils étaient seuls. Judas faisait
semblant de dormir. Ciborée était retournée à sa cuisine, ne s’occupant pas de
ce que disaient les hommes.
    « Puis-je te parler en toute confiance ?
    — Serais-tu ici si tu en doutais ? »
    Zacharie sourit.
    « Sans doute pas, non. Tu es au courant
des dernières inventions d’Auguste ? La Judée et la Samarie sont passées
sous le contrôle direct de Rome. Archélaüs est parti vers Vienne, en Gaule. Cela
veut dire que, pour la première fois, nous sommes en contact direct avec des
fonctionnaires de Rome, qui voient en nous un peuple soumis et prêt à accepter
la pax romana. Jamais l’occupation n’a été aussi évidente. Cela m’a
révolté, au-delà de ce que tu peux imaginer. Quand j’étais chez Marie, j’ai été
contacté par un homme. Il était l’ami d’un certain Juda. Juda le Gaulanite. Ce
nom ne te dit rien ? Il vient de Gaulanitide… Ce Juda est un grand homme. Il
a lui aussi souffert du joug romain. C’est un savant, un docteur de la Loi, un
scribe. On dit qu’il est le fils d’Ézéchias.
    — Le brigand ?
    — Le brigand, oui. Depuis plusieurs
semaines, il va de village en village et parle aux habitants. Au début, il a
failli me mettre en colère. Il criait qu’il nous méprisait, que nous étions de
mauvais Juifs. Je ne comprenais pas que les gens ne réagissent pas. Et puis il
a expliqué : nous payons l’impôt aux Romains, pas à Dieu. Nous nous
détournons de Yahvé. Aucun Juif ne peut faire cela. Alors il a parlé du
recensement. Il a dit que c’était fait pour compter un peuple d’esclaves, et
non des Juifs dignes de ce nom. Il a dit que, si Coponius en exigeait un, c’était
pour mieux nous contraindre ensuite à payer l’impôt. Il a dit qu’il se moquait
de l’argent, qu’il voulait bien donner aux Romains tout ce qu’il avait s’ils
arrêtaient d’insulter Dieu. Mais l’argent n’est pas à nous : il appartient
à Dieu. Il ne faut pas donner à des idolâtres ce qui est à Yahvé. Tout Juif qui
reconnaît un autre maître que Dieu est un traître. Il parlait, et je savais qu’il
disait juste. Je savais

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