Le Baiser de Judas
un buffle, nous attaquer à des cibles individuelles :
des notables, des collaborateurs, des percepteurs. J’ai besoin de tueurs. Voulez-vous
en être ? »
Nathanaël sortit de la pièce sans répondre. Judas
dit « oui ».
CHAPITRE 7
Alors commença pour Judas une période où la
vie ne fut plus que combat. Barabbas, qui avait repéré ses qualités, en fit l’un
des plus hardis de ses tueurs. Le jeune homme se révéla à la fois efficace, astucieux,
entreprenant.
Dix d’entre eux avaient été choisis, parmi
lesquels Isaac, Jérémie, Ézéchiel, plusieurs des jeunes qui avaient suivi l’entraînement
avec Judas et Nathanaël. Mais ce dernier ne faisait pas partie du groupe, ce
qui chagrina beaucoup Judas.
« Je vous ai élus parce que j’ai besoin
de vous, leur dit Barabbas le jour où il les réunit pour la première fois. Vous
serez le fer de lance de notre action. Il faut que vous fassiez peur. Depuis
presque un an, certains de vos amis se rendent dans des villages pour y
expliquer notre combat. C’est bien. Du moins, cela l’a été au début. »
Les regards se tournèrent vers Judas, qui les
affronta sans sourciller.
« Certains de ces villages ont accepté de
nous aider. C’est parfait. D’autres sont plus réticents. Ça l’est moins. Le
plus grave, c’est que tous n’ont pas compris qu’ils n’avaient pas le choix. S’ils
ne sont pas avec nous, ils sont contre nous. J’ai décidé, à mon tour, de lever
un impôt, et de pousser ces villages à nous aider. S’ils ne le veulent pas, nous
les convaincrons. Il faut faire des exemples. Montrer aux collaborateurs que
leur choix est le mauvais. Je vous ai choisis pour votre habileté au combat. »
Il s’arrêta un moment.
« Vous savez tuer. Vous allez le faire. Vous
vous servirez du poignard. Il vous faudra apprendre à frapper vite et bien, et
à disparaître sans laisser de traces. Il faut que l’on parle de nous. Vous ne
devez pas vous mettre en danger, mais vous devez également vous cacher le moins
possible. Laissez les corps dans des endroits publics, arrangez-vous pour que
tout le monde sache d’où venait le coup.
« Vous êtes dix. Il faut frapper dans les
trois jours. Quand dix hommes seront morts, les choses changeront. »
La cible de Judas
était un fermier d’Archélaüs. Il ravitaillait la garnison romaine en bétail. Grâce
à l’appui de sa sœur qui, à Jérusalem, était l’épouse d’un des fournisseurs du
Temple en animaux de sacrifice, il avait également pu s’assurer ce monopole.
Judas avait déjà croisé l’homme à la tête de
ses troupeaux. Il avait acheté des terres, de nouvelles bêtes, et payait
maintenant deux personnes de plus pour s’en occuper. Mais son mode de vie
lui-même demeurait inchangé, et il venait toujours au marché de Jéricho.
Judas arriva en fin de journée à Jéricho, après
avoir traversé les champs de plantes médicinales mis en place par Hérode. L’ombre
du mont Nébo s’étendait sur la ville. Passant près du tombeau du monarque, il
cracha sur la statue qui le surmontait. Quand il atteignit le marché, plusieurs
vendeurs étaient déjà arrivés, et la grande place où se tenaient les négoces
était couverte d’animaux. Les marchands préparaient leur couche pour la nuit. L’air,
frais, charriait les senteurs du jardin d’épices, célèbre dans toute la région.
Judas n’avait pas envie de dormir à l’auberge. Il se dirigea vers un coin
sombre de la place, et replia sur lui son manteau. Quelques instants plus tard,
il dormait d’un sommeil léger.
Le marché s’éveilla avec le lever du soleil. Les
bâches étaient retirées des charrettes, et les fruits, les légumes, les vêtements
étaient posés à même le sol, sur de grandes couvertures. Les premiers acheteurs
arrivèrent. Judas se mit à attendre. Il avait décidé, comme on le lui avait
demandé, de rendre son meurtre le plus spectaculaire possible.
Il regardait la foule comme s’il ne la voyait
pas. De temps en temps, il se levait et marchait, sachant fort bien qu’il n’en
serait que plus facile à reconnaître. Il courut même le risque insensé d’aller
tourner autour d’une patrouille romaine qui faisait sa ronde.
Il faillit ne pas voir sa victime. Le soleil
et les odeurs lui avaient un peu tourné la tête, la tension de l’attente l’avait
nerveusement épuisé. Le fermier arriva avant son troupeau, une dizaine de bêtes
qu’un de ses aides tentait de conduire
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