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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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de tueurs, jura de revenir, ce à quoi les autres
firent semblant de croire. À vingt et un ans, sa vie s’écroulait.
    Il ne se retourna pas, même quand il entendit
le cri familier du corbeau que les plus jeunes nourrissaient au sommet de la
colline.

CHAPITRE 8
    Il approcha de Jérusalem à la tombée de la
nuit, étonné de rencontrer autant de monde. Des Babyloniens, le nez percé d’anneaux,
des Abyssins et des Soudanais, noirs comme l’ébène, le croisèrent. Quelques
marchands en bord de route proposaient des dattes ou du lait de brebis, infiniment
plus cher une fois passé les portes de la ville. À une centaine de mètres des
premières maisons, près d’une carrière, trois hommes étaient crucifiés à même
les arbres.
    « Est-ce que je vais bien à Béthanie par
cette route ? » demanda-t-il à un groupe habillé d’étranges vêtements.
    L’homme qui lui répondit parlait un araméen
hésitant. Un étranger, sans aucun doute, peut-être même pas juif. Sa mauvaise
humeur s’accrut.
    « Oui, mais tu vas rencontrer les
contrôles romains. Si tu prends vers la droite, tu les éviteras.
    — Je n’ai rien à me reprocher.
    — Cela te regarde. Tout droit, tu arrives
à Béthanie par la route de Jérusalem. Sur ma droite, tu y arrives par les
petits chemins. Et bonne route. »
    Par provocation, Judas eut envie de suivre la
route principale et d’aller narguer les Romains. Mais l’absurdité de sa
conduite lui apparut, et il fit tourner son âne vers la voie la plus sûre. L’homme,
le voyant partir, lui adressa un salut dont Judas perçut l’ironie, ce qui mit
le comble à sa colère.
    Il arriva donc excédé à Béthanie, incapable de
remarquer l’air de tranquille aisance de la bourgade. Les dromadaires et les
ânes des caravanes venues de Jéricho, dont certains n’avaient pu entrer en ville,
s’attaquaient aux oliviers et aux figuiers, rideau vert devant les pierres des
murailles. Seul l’orange chancelant du ciel signalait au loin la présence de
Jérusalem, dissimulée derrière une colline. Les maisons étaient hautes, riches
d’apparence. Il demanda où se trouvait celle de Samuel, évitant de justesse le
seau d’excréments qu’une femme jetait vers un égout à ciel ouvert. Un enfant la
lui indiqua.
    Il frappa.
    « Qui est là ? demanda une voix
empâtée.
    — Je suis Judas.
    — Judas ?
    — Oui. Un ami commun m’envoie.
    — Qui ça ?
    — Es-tu Samuel, oui ou non ?
    — Oui, bien sûr.
    — Et n’attendais-tu personne ? »
    Un juron se fit entendre, et la poignée de la
porte s’agita.
    Une tête apparut, presque grotesque. Des yeux
saillants émergeaient d’une armée de poils noirs et drus, et quelques mèches
sales et grises s’échappaient d’une kippa posée de travers. Les traits étaient
tirés, l’haleine chargée d’une odeur de vin qui ne trompait guère. Judas retint
un soupir.
    « Si, j’attendais quelqu’un, mais pas
aujourd’hui.
    — J’ai fait vite. Tu sais pourquoi… »
    L’homme se passa une main sur le visage, et
ses yeux reprirent de leur éclat.
    « C’est vrai. Entre. Excuse le désordre, mais
je vis seul et… »
    L’huile manquait dans la lampe. Judas ne
distingua pas bien ce qui l’entourait. Le sol était en terre, les meubles
grossièrement façonnés. Il régnait une odeur de nourriture vieillie, de
négligence aimable…
    « Voilà ton nouveau royaume. Cela doit te
changer du précédent, bien sûr… »
    Les ombres se déplacèrent, isolant dans le
rond jaune d’autres éléments de la pièce. Judas étouffa un cri.
    « C’est un… »
    Il attrapa la main de son hôte, et l’orienta
vers le fond de la pièce.
    « J’ai bien vu un tour ? »
    Il y avait d’un coup un tel bonheur dans sa
voix que Samuel sourit.
    « Comme chez tout potier qui se respecte,
pourquoi ? Qu’est-ce qui… Mais bien sûr… Je croyais que Barabbas te l’avait
dit. Oui, c’est un tour. Je suis potier, mais j’ai beaucoup diminué ma cadence.
Il m’a dit que toi aussi… Si cela t’amuse de m’aider… »
    Judas n’entendait plus. Il passa la main sur
le tour, encore encroûté de morceaux de terre. Elle tremblait presque.
    « Je peux…
    — Bien sûr. »
    Samuel rit.
    « Tu peux même rapprocher la lampe. Tu y
verras mieux. »
    Judas s’était assis auprès du tour, et le
faisait tourner avec douceur, comme s’il avait peur de le casser. Il laissa sa
main glisser dessus quand son pied lui fit

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