Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
Vom Netzwerk:
prendre de la vitesse. Depuis qu’il
était avec Barabbas, il n’avait plus senti ainsi le contact un peu froid de la
glaise. Il en prit dans sa main, et la porta à ses narines.
    D’un geste de la tête, Samuel lui désigna un
tas de terre posé sous des feuilles humides.
    « C’est un mélange d’argile et de sable. Il
ne résistera pas à de hautes cuissons, fais attention. Je te laisse la lampe. Couche-toi
dans un coin de l’atelier quand tu seras fatigué. Je dors à côté. Nous
parlerons demain. »
    Judas ne s’arrêta de tourner que quand le
soleil entra par la petite fenêtre et éclaira la dizaine de pots imparfaits qu’il
avait fabriqués pendant la nuit.
    Il n’arriva guère à
dormir le peu de temps qu’il resta couché. Les bruits permanents – bêlements de
moutons, blatèrements de chameaux, beuglements humains en plusieurs langues, rugissements
des cornes de shoffar – se mêlaient en une vague qui l’agressait : où
était le calme de ses nuits du désert, même lorsque l’obligation d’être prêt à
tout instant le tenait à demi éveillé ? Il se leva mal à l’aise, tourna en
rond dans la maison toute la journée, incapable de comprendre ce qui l’avait
amené là, ce qu’il allait bien pouvoir y faire. Il n’avait même pas envie d’aller
découvrir Jérusalem, ville dont la simple évocation suffisait pourtant à le
faire rêver.
    Le lendemain, il se força à s’y rendre, se
demandant pourquoi son désir n’était plus que cendres : peur de la
déception ? angoisse du petit campagnard devant la grande ville ? crainte
d’être confronté aux gens, à l’immensité ? Il attendit le soir, comme si
la pénombre devait être plus propice à cette rencontre. Et il fut déçu. Jérusalem
lui apparut comme un bloc froid et dur. Lui qui n’avait connu que le bois et le
torchis se sentit exclu de la grande cité en pierre avant même d’y être entré. Le
rougeoiement du soleil écrasait les lourdes murailles plus qu’il ne les
illuminait, et la grande ombre du Temple n’éveilla rien de ce qu’il espérait. Il
franchit la porte du Figuier et trouva pire que le grouillement qu’il avait
craint, quelques silhouettes passant vite, pressées, des volets clos derrière
lesquels ne perçaient que de pâles lueurs, et une odeur mêlée de charogne et d’huile
brûlée… Dans un coin, des malades couchés sur de la paille gémissaient. La
pourriture de cadavres de chats ou de chiens abandonnés quelque part stagnait
dans l’air. Un devin était installé par terre, ayant parsemé son foulard étendu
sur le sol de sable blanc dont il interprétait les signes. Judas fit demi-tour.
En partant, il s’égara et tomba sur la vallée de la Géhenne, faite des ordures
que les Hiérosolymites envoyaient par-dessus leurs remparts. Des flammes s’en
échappaient, et le vent charriait une infernale puanteur jusque vers la ville. Des
corps de crucifiés y avaient été jetés et brûlaient avec le reste. Il perçut
les cris des nouveau-nés que des mères trop pauvres abandonnaient à leur naissance.
    « Alors ? Cette
promenade ? »
    Il n’eut pas envie de parler avec Samuel de
cette première incursion dans Jérusalem et se remit à jouer avec son tour.
    « Ça s’est si mal passé que cela ? »
    Le jeune homme avait du mal à retenir ses
larmes. Il prenait de la terre, la posait sur le plateau, mais était trop ému
pour la faire tenir debout, et elle tombait.
    « Regarde. Je vais te montrer un truc. Tu
as déjà décoré à l’engobe ? »
    Samuel avait attrapé un des vases tournés la
veille.
    « Je trouve le résultat souvent très beau.
Fais comme moi. Tu prends l’engobe… »
    Il joignait le geste à la parole, fouillant
dans l’atelier.
    « Tu en enduis le vase. Mais une fine
couche, attention. Si elle est trop épaisse, tu ne pourras plus la gratter, et
tu risqueras de tout briser. »
    Le vieil homme exultait, enchanté d’avoir
quelqu’un à qui il puisse parler de ce qui, malgré ses constantes
récriminations, restait l’essentiel de sa vie.
    « L’engobe est presque de la même couleur
que le vase. Mais presque seulement. Ensuite, tu n’as plus qu’à la gratter, et
les deux couleurs se superposent. »
    Judas regardait le résultat, soudain intéressé.
    « Je gravais à la molette ou au cachet…
    — C’est très bien aussi, mais moins
élégant, moins subtil. »
    Il lui prit le vase des mains. Puis ils se
disputèrent sur la

Weitere Kostenlose Bücher